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par Céline Normandin

La hausse de la productivité comporte de nombreux défis pour les entreprises manufacturières du Québec, particulièrement chez les PME, qui représentent 80 % des entreprises du secteur. AL13 a fait le tour de la question avec la Présidente-directrice générale de Manufacturiers & Exportateurs du Québec, Véronique Proulx.

Photo : La Présidente-directrice générale de l’association d’affaires Manufacturiers & Exportateurs du Québec, Véronique Proulx. (Photo courtoisie)

Manufacturiers & Exportateurs du Québec  (M&EQ) est une association d’affaires, qui représente le secteur manufacturier. « Notre raison d’être, c’est de favoriser la croissance des entreprises manufacturières québécoises. Nous sommes la voix des entreprises auprès des gouvernements provincial et fédéral, afin qu’ils mettent en place des lois, des règlements, des mesures ou des programmes qui favorisent un environnement d’affaires efficace », indique Mme Proulx.

L’association compte des membres dans tous les secteurs manufacturiers du Québec, dont dans le secteur de l’aluminium, mais aussi dans le plastique, l’acier, l’agroalimentaire, les portes et fenêtres et l’aéronautique.

Le premier défi est celui de la main-d’œuvre

Selon Mme Proulx, le premier défi de l’industrie manufacturière québécoise est celui de la main-d’œuvre, particulièrement pour les PME. « Le nombre de postes vacants a diminué dans le secteur manufacturier. Il est rendu à 13 000. Ce sont surtout les entreprises de moins de 100 employés qui sont affectées par la pénurie. Au Québec, on compte environ 16 000 entreprises manufacturières, dont seulement 1 000 ont plus de 100 employés. Nous avons vraiment une économie manufacturière de PME et ce sont ces entreprises qui ont le plus de difficulté à trouver les travailleurs dont elles ont besoin, parce qu’elles ne sont pas en mesure d’offrir les mêmes salaires que les grandes entreprises ».

Généralement, les PME se démarquent parce qu’elles font des produits sur mesure. Elles sont dans des niches de marchés. L’automatisation n’est pas évidente pour elles. Il y a encore beaucoup de tâches qui se font manuellement et ces postes sont très difficiles à combler dans un contexte de rareté de main-d’œuvre.

« Dans les sondages que nous avons faits, la difficulté à trouver la main-d’œuvre dont elles ont besoin devient un frein à l’investissement », précise Mme Proulx.

Productivité et intégration technologique

Le deuxième grand défi au Québec est la productivité et l’intégration technologique. « Les entreprises manufacturières du Québec et du Canada ont un retard par rapport aux entreprises de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Lorsque nous regardons nos principaux concurrents, les États-Unis et le Royaume-Uni, il y a un écart de productivité très important. Cet écart s’accroît d’année en année parce que nous sous-investissons par rapport à eux », souligne Mme Proulx.

Cet écart est surtout significatif chez les PME puisque les grandes entreprises exportent. « En effet, ces dernières font face à une concurrence internationale féroce. Elles ont des plans d’investissement et des ressources humaines. Elles sont aussi capables de faire des projets d’intégration technologique. Les grandes entreprises s’en sortent mieux. Pour les PME, la rareté de main-d’œuvre est l’un des freins à l’investissement. Les dirigeants de PME nous mentionnent qu’ils n’ont pas l’expertise et les connaissances pour mettre en place des plans d’investissement ou des projets d’automatisation et de robotisation », signale Véronique Proulx.

Souvent, les dirigeants de PME doivent s’occuper de la production, des ressources humaines, de l’innovation et du développement, et ce que ce soit dans l’industrie de l’aluminium ou de l’agroalimentaire.

Difficile de s’automatiser

« Quand on leur dit qu’il faut qu’ils s’automatisent, ils nous répondent que c’est bien, mais qu’ils ne savent pas comment faire, par où commencer et ils se demandent s’ils vont trouver la main-d’œuvre nécessaire pour opérer une ligne de robotisation et d’automatisation. Ils se questionnent également sur le retour sur leur investissement », illustre Mme Proulx.

La PDG précise qu’il y a plus d’enjeux pragmatiques qui font que les PME québécoises tardent pour s’automatiser, ce qui les rend plus vulnérables à la pénurie de main-d’œuvre, mais aussi, ça les rend moins concurrentiels à l’international.

Faire sa place sur les marchés internationaux

« La productivité, c’est de faire plus avec moins. Pour faire sa place sur les marchés internationaux, il faut être capable d’investir pour s’automatiser et se robotiser, ce qui diminuerait l’impact de la pénurie de main-d’œuvre et qui leur permettrait de réduire leur empreinte environnementale, une exigence de plusieurs pays pour y livrer des produits de plus en plus carboneutres. Il est prouvé que plus on modernise notre parc d’équipements, plus ça permet de réduire les GES. La demande internationale pour les produits carboneutres va être de plus en plus forte », affirme Mme Proulx.

La nécessité d’investir dans la RD

Manufacturiers & Exportateurs du Québec estime que les entreprises manufacturières du Québec ne font pas assez de recherche et développement (RD). « Depuis plusieurs années, nous rappelons aux gouvernements que pour avoir un environnement propice à la RD, il faut mettre en place des mesures fiscales adéquates pour stimuler cette recherche. Au Québec, on demande de rehausser les crédits d’impôt et de permettre davantage de RD appliquée plutôt que fondamentale. En fait, on fait de la recherche pour développer de nouvelles technologies ou pour développer un produit existant afin de le rendre plus compétitif. C’est difficile aujourd’hui pour les entreprises de faire reconnaître leurs efforts. C’est important de le faire, si on veut être compétitifs à l’international », assure Mme Proulx.

Des défis pour l’industrie de l’aluminium

Véronique Proulx explique que pour l’industrie de l’aluminium, les tarifs de 25 % mis en place par le gouvernement fédéral sur l’aluminium chinois représentent un des défis, autant pour les entreprises québécoises qui transforment l’aluminium, que pour celles qui utilisent l’aluminium chinois.

« Pour nos grands producteurs d’acier et d’aluminium, il y a des pratiques déloyales de la Chine. On comprend l’importance de mettre en place des tarifs pour les entreprises chinoises, mais en même temps, cela a un impact sur nos PME qui s’approvisionnent en Chine, soit pour le prix ou parce qu’elles ne retrouvent pas le produit souhaité au Canada ou aux États-Unis. Cela a un impact sur la compétitivité de l’industrie parce que ces mêmes entreprises voient leurs concurrents chinois qui achètent des produits chinois et qui les transforment en Chine ne pas être imposés lorsqu’ils exportent leur produit fini. C’est un enjeu majeur pour nos PME qui consomment un bon volume d’aluminium chinois », explique-t-elle.

Manufacturiers & Exportateurs du Québec représentent aussi de grands joueurs dans les domaines de l’acier et de l’aluminium. « On doit trouver un équilibre. Nous faisons des représentations auprès du fédéral. Il y a des consultations en cours. Nous allons déposer un mémoire pour nous assurer qu’il y ait le moins d’impact possible sur les entreprises qui n’ont pas d’autres options que d’acheter de l’aluminium en Chine. Dans un monde idéal, c’est le libre-échange qui s’applique. Il y a aussi des tarifs sur les véhicules électriques ».

Véronique Proulx signale qu’un autre sujet d’actualité qui a un impact sur la compétitivité des entreprises est l’accès au bloc d’énergie et les tarifs d’hydroélectricité. « Nous étions en commission parlementaire récemmment sur le projet de loi 69 qui porte sur le secteur de l’énergie et parmi nos recommandations, deux ont un impact direct sur la productivité de nos entreprises. La première, que les entreprises qui sont déjà établies au Québec et qui contribuent au développement économique régional puissent être priorisées dans l’allocation des blocs d’énergie. Présentement, beaucoup d’entre elles n’ont pas l’énergie nécessaire pour faire des projets d’investissements ou pour décarboner leurs opérations. La deuxième recommandation, c’est de s’assurer que les tarifs demeurent concurrentiels autant pour nos PME que pour nos grandes entreprises ».