Skip to main content
par Alexandre D’Astous

Au Québec, comme ailleurs dans le monde, l’utilisation de l’aluminium au sein de l’industrie automobile est en croissance depuis quelques décennies et connait une expansion accélérée, notamment dans le secteur des véhicules électriques qui se caractérisent par leur légèreté conceptuelle.

Le responsable du chantier matériel de transport chez AluQuébec, Yves Archambault, confirme cette croissance de l’utilisation de l’aluminium dans la construction automobile. « Cela a toujours été en croissance depuis les années 1970 au moment où le monde a rencontré sa première crise pétrolière. Cela a été un élément déclencheur pour un virage vers un allègement des véhicules pour qu’ils consomment moins d’essence », raconte-t-il.

Une des façons d’alléger un véhicule, c’est d’utiliser de l’aluminium dans la confection de certaines pièces, un matériau plus léger que l’acier.

« Un processus continu d’allègement des véhicules s’est enclenché avec cette crise pétrolière. L’aluminium est progressivement rentré dans la construction des voitures. Le premier endroit où on a commencé à utiliser de l’aluminium, c’est dans les boîtiers de transmission ou dans les carcasses d’alternateurs. Graduellement, l’aluminium s’est installé dans les composantes du moteur et, plus récemment dans la carrosserie », poursuit M. Archambault.

Verbom se démarque de la compétition par l’esprit d’équipe de ses employés et leur implication dans le succès de l’entreprise. (Photo courtoisie Verbom)

Peu de joueurs au Québec

Le spécialiste chez AluQuébec précise cependant qu’il y a peu de joueurs dans l’industrie automobile au Québec, ce qui limite évidemment les opportunités de marchés dans la province. « On peut s’intéresser à la chose, mais nous avons peu d’écho localement. Je connais deux entreprises qui excellent dans l’utilisation de l’aluminium pour les véhicules automobiles. Raufoss à Boisbriand qui fabrique des pièces de suspension forgées en aluminium pour la majorité des grands fabricants. Il y a aussi Verbom à Sherbrooke qui fait des pièces de carrosseries, notamment pour Tesla ».

Verbom est dans l’estampillage de pièces automobiles, dont plusieurs pièces vont dans les usines de Tesla. « Verbom est à l’origine de beaucoup de projets pour alléger les véhicules utilitaires et les autobus en utilisant l’aluminium, ce qui augmente l’autonomie des véhicules électriques », mentionne le directeur général de Sherbrooke Innopole, Sylvain Durocher, qui ajoute que Motrec utilise également l’aluminium dans certaines de ses pièces de véhicules électriques industriels.

Allègement encore plus important dans les véhicules électriques

M. Archambault précise que l’allègement des véhicules est encore plus important pour les véhicules électriques. « Une batterie peut facilement peser 500 kg dans un véhicule électrique. Lorsqu’on regarde des camions de classe 7, comme des tracteurs pour semi-remorques, le camion électrique pèse 2500 kg de plus. Si le transporteur veut faire les mêmes revenus avec son camion électrique qu’avec un camion au diesel, il doit l’alléger de 2500 kg. Il faut prendre le temps de bien concevoir avec de l’aluminium. On ne peut pas simplement remplacer des pièces en acier par des pièces en aluminium. Il faut vraiment prendre le temps de faire l’ingénierie de la bonne façon. Même si on travaille là-dessus depuis plusieurs années, il y a toujours de l’apprentissage constant à faire. Les étapes sont généralement bien maîtrisées par les équipes d’ingénierie ».

Le bon matériau au bon endroit

L’aluminium risque de coûter un peu plus cher, mais l’économie de poids va permettre d’économiser en carburants. « Il faut analyser de quelle façon on peut maximiser notre retour sur l’investissement. Les situations sont différentes selon l’utilisation du véhicule. Par exemple, le camion qui transporte des guimauves ou des chips n’a pas de problème de poids. Notre rôle chez AluQuébec, c’est de renseigner les gens sur ce que l’aluminium peut faire et ne peut pas faire. On prône toujours l’utilisation du bon matériau au bon endroit », indique M. Archambault.

L’utilisation de l’aluminium doit avoir un sens. Pour l’allègement du véhicule, cela a un sens et c’est démontrable et quantifiable. « Par exemple, le fabricant de remorques Platinum Tank fait des citernes utilisées pour le transport de produits pétroliers. Cette entreprise utilise l’aluminium depuis des décennies parce que ça leur permet d’avoir une remorque plus légère et de transporter une charge plus lourde, donc d’avoir une charge payante plus élevée. Cette logique est installée chez la majorité des gens qui œuvre dans le transport lourd. Elle commence à apparaître chez les voitures électriques en raison du poids de la batterie », ajoute Yves Archambault.

Protection face aux collisions

Le responsable du chantier matériel de transport chez AluQuébec fait remarquer que les normes pour la protection face aux collisions augmentent chaque année. « Avec l’ajout de plusieurs fonctionnalités qui sont devenues standards comme l’air climatisé ou le système de freinage assisté, le poids des véhicules a augmenté. Avant même l’arrivée des batteries, on voyait une augmentation du poids moyen de l’aluminium dans chaque automobile. Le poids des batteries a créé une urgence d’alléger encore plus ».

Résistance à la corrosion

Outre son poids plus léger, l’autre principal avantage à utiliser l’aluminium dans l’industrie automobile, c’est sa résistance à la corrosion. « Il fait savoir à quoi on s’expose. Un peu comme dans la construction, il faut utiliser l’aluminium sciemment. Les conditions environnementales dans lesquelles l’aluminium performe bien sont connues. Ce sont un peu les mêmes que pour l’acier. Les crevasses dans lesquelles l’eau peut s’infiltrer et créer une masse d’eau stagnante sont aussi dommageables pour l’aluminium que pour l’acier. L’aluminium se corrode, mais, contrairement à l’acier, il n’y aura pas de coulisses rouges. L’aluminium a la capacité de se protéger lui-même par sa couche d’oxyde », mentionne M. Archambault.

Des travaux en cours

Des travaux sont en cours au Centre des technologies de l’aluminium. « Ils accumulent énormément d’information sur la corrosion des véhicules en opération. Prenons par exemple le F-150 conçu en aluminium. Les premiers modèles sont sortis en 2015. J’ai hâte de voir après sept ans quels seront les commentaires des différents ateliers de réparation. Le 11 au 13 octobre dernier, se tenait la conférence d’INALCO (International aluminium conference) au cours duquel un ingénieur qui a travaillé sur la conception du F-150 en aluminium était invité à présenter justement les résultats de cette réalisation. Dans un premier temps, il y avait eu des critiques sur les réparations qui étaient très coûteuses. L’équipe a reconçu le véhicule afin de faciliter les réparations. Après cela, le véhicule en aluminium coûtait moins cher à réparer. Ça prouve que l’utilisation de l’aluminium peut être avantageuse ».

M. Archambault n’a pas d’indication à fournir sur la durabilité réelle des produits de l’aluminium. J’ai vu des camions de livraison qui avaient 20 ans sur lesquels il y avait un début de corrosion dans des endroits dissimulés. Ce n’était que des piqures. Nous n’étions pas dans une situation où l’aluminium avait disparu. C’est sûr que le matériau parfait n’existe pas. Il faut bien connaître les forces de chacun. J’ai vu des bateaux avec de l’aluminium à nu, sans peinture, qui sont dans l’eau salée depuis 20 ans et ils le seront pendant un autre 20 ans. Cela prouve que l’aluminium est un matériau durable, mais il faut connaître les façons de l’utiliser ».

La croissance devrait se maintenir

M. Archambault estime que la croissance de l’utilisation de l’aluminium dans l’industrie automobile devrait se maintenir pour les prochaines années. « Il y a une très forte tendance à concevoir et fabriquer des boîtiers rigides en aluminium pour la protection lors d’impacts et éviter aux batteries de s’enflammer. On peut s’attendre, de façon générale, à ce que l’utilisation de l’aluminium augmente pour les véhicules électriques ».

Vue d’une usine de Verbom à Sherbrooke. (Photo courtoisie Verbom)