par Jonathan Thibeault
Dans une industrie qui joue du coude à l’international et qui doit conjuguer avec des enjeux de main-d’œuvre limitée, les entreprises ont intérêt à planifier l’automatisation de leur production, croit la directrice générale du Réseau Trans-Al, Paulyne Cadieux. Quant au président d’Industries GRC & Batko, Patrick Bourgeois, ce processus doit s’opérer seulement si la direction et les employés sont prêts à s’impliquer dans une telle transition.
Pour la directrice du Réseau Trans-Al, une transformation numérique est sans conteste un vecteur de croissance pour une entreprise qui accomplit un jalon vers l’automatisation, complète ou partielle, de sa production. « C’est nécessaire pour demeurer compétitif et rester en affaires. Les marges de profits deviennent plus substantielles lorsque des entreprises procèdent à la numérisation de leurs activités. On parle surtout de transformateurs dans l’industrie de l’aluminium. Avec une main-d’œuvre de plus en plus rare, pouvoir amorcer un tel plan, ça ouvre des portes », rappelle celle qui côtoie quelques dizaines d’entreprises annuellement à ce chapitre.

Photo : Industries GRC/Batko
Régler des irritants pour demeurer compétitif
Patrick Bourgeois et Paulyne Cadieux s’entendent tous les deux pour dire que ce cheminement est loin d’être un long fleuve tranquille. La haute direction doit être impliquée et elle doit surtout croire fermement à l’utilité de cette opération stratégique. « Une entreprise qui est encore ancrée dans ses processus traditionnels peut être productive et avoir un bon contrôle sur ses coûts de revient, mais lorsqu’il y a des irritants, dont des enjeux de main-d’œuvre, et qu’il faut opérer un changement stratégique, c’est peut-être signe qu’il serait pertinent d’analyser cette opportunité », croit le PDG d’Industries GRC & Batko, Patrick Bourgeois.
De son côté, Paulyne Cadieux rappelle l’importance de s’entourer de connaisseurs et d’avoir confiance au processus. « La réalisation d’un audit numérique contribue grandement à faire un portrait d’ensemble des améliorations possibles. Grâce aux compétences de l’auditeur, l’entreprise est en mesure d’avoir des pistes de solutions ainsi que des suggestions de technologies pertinentes. Il faut aussi retenir qu’embarquer dans une automatisation de sa production ne correspond pas à un projet sans évolution. Il faut être prêt à l’améliorer au fil des années », ajoute la DG du Réseau Trans-Al.
Standardisation
Lorsqu’il a pris la décision d’entreprendre ce virage technologique, Patrick Bourgeois avoue qu’il n’a pas pensé au fait que ce soit dans l’air du temps. Il s’agissait plutôt d’une opportunité d’amélioration continue pour lui, une façon d’uniformiser le travail industriel. « On avait un irritant : celui de la constance. Chaque employé possède ses forces. Quand bien même qu’on a un profil de candidat idéal, chaque individu possède sa façon de travailler. En devenant plus automatisé, on utilise les forces de chacun pour atteindre les objectifs. La technologie permet de standardiser, d’uniformiser et d’atteindre des résultats relativement constants », fait savoir le chef d’entreprise, également propriétaire de Batko de Portneuf, qui est en train, elle aussi, d’importer une mécanique de travail plus uniforme grâce à la technologie.
Aucune recette miracle
Il n’y a aucune recette miracle lorsque vient le temps d’accomplir une telle mission. Paulyne Cadieux explique cependant que l’idéal est d’en profiter pour parler avec d’autres acteurs qui ont déjà accompli une transformation similaire. « Mieux vaut parler à plusieurs personnes qu’à une seule qui peut te nuire », rappelle-t-elle. « Je dirais aussi aux entreprises qu’il est important d’y croire et de ne pas tergiverser sur les technologies utilisées. Il y en aura toujours de meilleures à travers le temps. Il faut voir le 4.0 comme étant une transformation perpétuelle, car tout est en constante évolution. Par contre, le faire plus tôt pourrait aider l’entreprise à être plus compétitive sur les marchés », renchérit-elle.
Lorsqu’on le questionne sur les bienfaits de l’intégration technologique au sein de sa production, Patrick Bourgeois rappelle qu’il s’agit d’un des nombreux outils permettant à une organisation de se démarquer de la concurrence. « Comme les organes d’un corps humain, la numérisation offre des avantages supplémentaires, mais c’est un outil parmi tant d’autres. Si on regarde au cours des 15 dernières années, l’entreprise va mieux. C’est un mélange de marchés qui évoluent, les méthodes, les équipements, notre processus d’embauche plus rigoureux, nos clients et notre réputation. Il existe plusieurs facteurs. Évidemment, les gens sont plus réceptifs à embarquer quand tu es plus attractif dans tes RH et sur le plan technologique. C’est indéniable, mais ce n’est pas une poudre magique, il faut vraiment être organisé », illustre le pragmatique président.
Il faut y croire
En 2023, selon Paulyne Cadieux, il existe de nombreux programmes permettant à l’industrie secondaire et tertiaire de l’aluminium d’opérer de tels changements. « Il y a Investissement Québec à travers ses différents programmes, puisque l’aluminium est identifié par le gouvernement comme une industrie critique pour l’économie québécoise. Il y a des joueurs comme le CQRDA, les CCTT, le Réseau Trans-Al mais aussi une multitude d’autres joueurs. Et l’avantage, c’est que nous sommes tous en contact et prêts à référer les gens vers les bonnes ressources », indique-t-elle. « Avec tous ces programmes et services, il ne reste qu’à l’entreprise d’y croire », ajoute la spécialiste.
Y croire, le propriétaire d’Industries GRC et de Batko le confirme : « Il faut être à l’aise avec le fonctionnement. Si un dirigeant ne croit pas à ça, ça ne sert à rien d’essayer de le convaincre; il faut avoir quelqu’un de convaincu naturellement du bien-fondé de la démarche. Il y a toujours la possibilité de se tasser, mais lorsque tu es l’actionnaire majoritaire, ça peut être contre-productif », admet-il. Questionné à savoir s’il reviendrait en arrière, M. Bourgeois explique que les résultats parlent d’eux-mêmes. « Il y a eu quelques écueils au début, mais je ne reviendrais pas en arrière. Pour preuve, on opère présentement un projet semblable à Portneuf avec Batko. Pour nous, ça apporte du bon, donc c’est évident qu’un retour en arrière, même si c’est hypothétique, ça ne serait pas dans nos plans. On ne peut qu’évoluer à partir de tout ça », conclut l’homme d’affaires.