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par Duygu Kocaefe1, Yasar Kocaefe1, Dipankar Bhattacharyay1, Bazoumana Sanogo1, Yao Ahoutou1, Hang Sun1, Patrick Coulombe2.
1Centre universitaire de recherche sur l’aluminium (CURAL), Université du Québec à Chicoutimi, 555, boul. de l’Université, Chicoutimi, Québec, Canada G7H 2B1 2Aluminerie Alouette Inc., 400, Chemin de la Pointe-Noire, C.P. 1650, Sept-Îles, Québec, Canada, G4R 5M9

L’aluminium primaire est produit par électrolyse de l’alumine suivant le procédé Hall-Héroult. L’alumine, dissoute dans un électrolyte parcouru par un courant électrique, est ainsi décomposée en aluminium en fusion à la cathode, et en oxygène à l’anode. Lors de ce processus, l’oxygène libéré à l’anode en carbone réagit avec cette dernière pour produire du CO2 entrainant la consommation de l’anode. Du CO et des quantités additionnelles de CO2 peuvent être produits par des réactions secondaires, ce qui mènera à une consommation supplémentaire des anodes. Le contrôle de la qualité des anodes en carbone est donc primordial pour minimiser la dégradation des anodes et la consommation d’énergie et réduire, par conséquent, les coûts de production de l’aluminium ainsi que les émissions de GES. Les exigences de base des anodes de bonne qualité incluent une haute densité, une faible résistivité électrique spécifique, une faible perméabilité, une faible réactivité, une bonne résistance mécanique et une résistance élevée aux chocs thermiques. La qualité des anodes dépend d’abord du niveau de la qualité des matières premières qui les composent, c’est-à-dire du coke de pétrole calciné et du brai de goudron de houille. Comme ces deux composants sont des sous-produits de l’industrie pétrolière, leur qualité n’est pas une priorité pour cette industrie. Une granulométrie des particules de coke de pétrole calciné optimale et une faible teneur d’impureté sont nécessaires pour assurer la qualité des anodes produites.  Cette dernière dépend également du processus de fabrication. Ce processus inclut le mélange des composantes de l’anode, le compactage par presse ou par vibrocompacteur (le plus utilisé par l’industrie de l’aluminium) et la cuisson. Chacune de ces étapes dépend de paramètres opératoires qui contrôlent la qualité de l’anode produite. Ainsi, un mélange homogène des composants des anodes dépend de la granulométrie des particules de coke de pétrole calciné et de leur mouillabilité par le brai (le liant). L’efficacité du vibrocompactage est déterminée par plusieurs paramètres de compaction; toutefois, le temps de vibration est celui qui affecte directement la densité de l’anode. Ce temps ne doit pas être court et mener à la fabrication d’anodes peu denses et poreuses, ce qui affecte négativement leur conductivité électrique. D’un autre côté, le temps de vibrocompactage ne doit pas être long pour ne pas produire des anodes très denses qui risquent de se fissurer durant la cuisson.

La résistivité électrique est une propriété importante qui détermine la qualité d’une anode. Des valeurs de résistivité élevées dans une anode crue indiquent la présence de fissures ou de fortes concentrations de brai. Des valeurs de résistivité élevées dans une anode cuite montrent la présence de fissures. La distribution de la résistivité électrique dans une anode montre son niveau de non-homogénéité. Les problèmes de qualité des anodes crues auront des conséquences plus tard lors de la cuisson et de l’électrolyse, en termes de surconsommation d’énergie et de carbone. Par conséquent, un outil est nécessaire pour que l’industrie détermine la distribution de la résistivité électrique dans les anodes crues et cuites pour contrôler leur qualité.

Outils utilisés pour le contrôle qualité des anodes

Différents outils ont été développés pour suivre et contrôler la qualité des anodes à différentes étapes de la production en fonction des besoins industriels. Ci-après un aperçu de ces outils :

Mouillabilité des particules solides de l’anode par le brai

La mouillabilité des particules solides de l’anode par le brai a été caractérisée par l’angle de contact formé entre la goutte de brai et le lit de particules solides. La mouillabilité a été mesurée par la méthode de la goutte sessile à 170 °C sous atmosphère d’azote inerte.

Granulométrie de la pâte d’anode

La pâte d’anode a été trempée dans un solvant non toxique pendant une durée spécifique. Les particules solides propres ont été séchées, puis la granulométrie a été mesurée par tamisage.

Mesure des teneurs en impuretés dans la matière première ou les anodes

Les impuretés métalliques (métaux de transition fer, vanadium, nickel) des échantillons de carbone ont été extraites par réaction chimique ainsi que par électrophorèse. Les impuretés métalliques extraites ont été mesurées par colorimétrie. La solution du métal extrait a été traitée avec un réactif pour produire une couleur. La photo de la solution colorée dans un récipient en plastique a été prise à l’aide d’un appareil photo et la couleur de la photo a été analysée après un certain temps avec un logiciel spécialisé. La teneur en impuretés métallique a été mesurée en se basant sur une courbe d’étalonnage préparée en traçant un composant de couleur avec la concentration connue de l’impureté (mesurée par XRF).

Détermination du temps de vibration optimal à l’aide d’une analyse sonore

Le temps de compactage optimal a été déterminé en se basant sur l’analyse du son du vibrocompacteur enregistré et analysé à l’aide d’un microphone et d’un logiciel spécialisé. Les taux de variation des niveaux sonores du vibrocompacteur ont été calculés dans une gamme de fréquences déterminées. Le moment optimal de compactage a été déterminé en fonction du taux et de certaines valeurs de seuil prédéterminées.

Mesure de la distribution du brai à l’aide de l’analyse d’images

Un outil d’analyse d’image a été développé pour analyser le niveau et la distribution du brai sur la surface de l’anode crue. L’image de la surface de l’anode, éclairée uniformément, était prise; différentes composantes de couleur ont été analysées avec un logiciel spécialisé qui détermine les zones, où il existe un haut niveau de brai sur la surface de l’anode, marquées en rose. La distribution de taille des taches roses indique la distribution du brai dans l’anode.

Mesure de la distribution de la résistivité électrique

Une technique simple, rapide et non intrusive, SERMA (Specific Electrical Resistance Measurement of Anodes), a été développée pour mesurer la distribution de la résistivité électrique dans une anode industrielle avant et après cuisson. Le principe du SERMA est le suivant : un courant de l’ordre de 10 ampères environ est passé en plusieurs points à travers le bloc d’anode d’une surface à la surface opposée, et les chutes de tension correspondantes sont mesurées. Les résistivités électriques en différents points sont calculées à travers l’anode.

Résultats et discussions

Mouillabilité des particules solides de l’anode par le brai

La figure 1 montre la mouillabilité, exprimée en termes d’angle de contact, d’un coke particulier par différents brais et les densités des anodes crues produites par les paires coke/brai. Un angle de contact faible indique une mouillabilité élevée du coke par le brai. Les résultats montrent que la densité de l’anode crue (GAD) augmente lorsque l’angle de contact est faible (bon mouillage), ce qui permet d’identifier la paire de coke-brai appropriée.

Figure 1. Comparaison de l’angle de contact pour un coke particulier mouillé par différents brais et des densités des anodes crues produites par les paires coke/brai

Granulométrie de la pâte d’anode

La granulométrie de la pâte d’anode a été étudiée avant et après malaxage pour un malaxeur industriel. À la figure 2, la taille des particules diminue de 1 à 6. La figure 2 montre qu’il y a eu des changements dans les fractions granulométriques de 1 et 2. La réduction des fractions granulométriques plus grossières (écrasées lors du malaxage) a entraîné une augmentation des fractions granulométriques des plus petites particules (taille 5 et taille 6).

Figure 2. Distribution de la fraction du coke avant et après malaxage

Mesure des teneurs d’impuretés dans la matière première ou les anodes

La figure 3 montre les couleurs produites par les impuretés de fer, vanadium et nickel présentes dans des échantillons de carbone à la suite d’un traitement par acide suivi d’une électrophorèse. La validation de la méthode colorimétrique par comparaison avec l’analyse XRF a montré que la méthode colorimétrique peut estimer, avec une précision raisonnable, les teneurs d’impuretés dans les échantillons de carbone.

Figure 3. Couleurs produites par les impuretés présentes dans des échantillons de carbone : (a) fer (b) vanadium et (c) nickel.

Détermination du temps de vibration optimal à l’aide d’une analyse sonore

La figure 4 montre une analyse typique du son d’un vibrocompacteur lors du compactage de la pâte pour la fabrication de l’anode crue; trois phases peuvent être clairement identifiées : réorganisation des particules, compactage et stabilisation. Certains critères ont été utilisés pour identifier la fin de chaque phase. Un compactage de qualité nécessite que l’anode traverse ces trois phases. Les expériences réalisées ont clairement montré que plus le temps de surcompactage augmente, plus la densité de l’anode avant et après cuisson diminue.

Figure 4. Les différentes phases de compactage obtenues à partir de l’analyse du son d’un vibrocompacteur

Mesure de la distribution du brai à l’aide de l’analyse d’images

La figure 5 (a) montre l’image de la surface d’une anode crue industrielle rejetée, prise par un appareil photo numérique dans certaines conditions d’éclairage. La figure 5 (b) montre les emplacements avec des concentrations de brai élevées (marqués en rose). Ces concentrations montrent que l’anode ne peut pas être acheminée à la cuisson. Si ce problème est constaté systématiquement, la teneur en brai de l’anode, les conditions de malaxage et de compactage doivent être ré-évaluées.

Figure 5. (a) Image de la surface d’une anode crue rejetée, (b) Analyse de la surface (les zones roses montrent une concentration élevée en brai)

Mesure de la distribution de la résistivité électrique

Les résistivités globales de différentes anodes industrielles avant et après cuisson ont été mesurées à l’aide de SERMA. Ensuite, des échantillons de carotte cylindrique ont été prélevés dans différentes sections des anodes, et les résistivités de ces échantillons ont été mesurées selon la norme ASTM. La figure 6 montre une bonne corrélation entre les mesures de résistivité moyenne obtenues avec l’équipement et celles des carottes.

Figure 6. Comparaison des résistivités moyennes mesurées à l’aide de SERMA avec celles déterminées à partir des carottes prises à différentes positions dans les anodes crues et cuites

Conclusion

Des techniques et des outils ont été développés pour déterminer les sources des problèmes liés à la qualité des anodes, à savoir mouillabilité des particules de coke par le brai, la granulométrie de la pâte, les teneurs d’impuretés dans la matière première ou les anodes, le temps de compactage, la distribution du brai et la distribution de la résistivité électrique. Ces outils peuvent aider l’industrie à appliquer immédiatement les mesures correctives nécessaires dès la détection d’un problème. Ces outils se caractérisent par leur précision et leur simplicité comparées aux méthodes conventionnelles, ce qui doit favoriser leur implantation dans un milieu industriel.

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La version originale de cet article a été publiée sous le titre  « Development of Techniques and Tools for the Determination of Carbon Anode Quality » au Journal Light Metals, 1247-1254, 2017.