par Vassilis Fasfalis, MALLETTE
Dans le monde dynamique du commerce international, les exportateurs recherchent constamment des méthodes sûres et efficaces pour garantir le paiement de leurs biens et services. Les PME exportatrices du secteur de l’aluminium n’en font pas exception. Parmi la multitude d’instruments financiers disponibles, la lettre de crédit standby (« SBLC ») se distingue comme un outil puissant qui offre aux exportateurs une garantie financière solide. Dans cette chronique, nous abordons certaines subtilités des lettres de crédit standby, leurs caractéristiques, leurs avantages et le rôle essentiel qu’elles jouent dans la capacité de nos entreprises exportatrices de conquérir des nouveaux marchés.
Comprendre les lettres de crédit standby
Une lettre de crédit standby est un instrument financier qui sert de garantie de paiement d’une banque à un bénéficiaire, généralement l’exportateur (ex.: les alumineries Alcoa, Alouette ou même Rio Tinto).
Contrairement aux lettres de crédit traditionnelles utilisées dans les transactions documentaires, les SBLC ne sont pas conçues pour être une méthode de paiement, appelé communément le crédit documentaire. La SBLC n’est donc pas un chèque. Elles constituent plutôt une mesure secondaire ou « standby » à utiliser au cas où l’acheteur ne s’acquitterait pas de ses obligations de paiement.
Les relations entre les participants impliqués dans une opération commerciale utilisant la SBLC peuvent s’illustrer comme ceci (en anglais seulement) :
Dans cette relation telle qu’ illustrée, de manière classique en matière d’exportation, le demandeur (« appliquant ») est le donneur d’ordre ou le client de l’exportateur et il va initier le processus via un contrat d’achat-vente d’un bien ou d’un service qui sera soumis pour examen auprès de l’exportateur pour l’achat du bien ou du service. Ainsi, le bénéficiaire sera l’exportateur alors que le client est le donneur d’ordre ou l’acquéreur du bien ou du service. Il s’agit du contrat sous-jacent – underlying contract entre l’exportateur et son client donneur d’ordre. Il faut savoir que le contrat sous-jacent contient l’obligation pour le client – appliquant de fournir à l’exportateur une SBLC visant à garantir le paiement ou l’achat du bien ou du service impliqué dans le contrat sous-jacent.
Au même moment que l’émission du contrat sous-jacent, le donneur d’ordre va contacter sa banque émettrice – issuing bank afin de valider l’existence d’une entente de remboursement avec elle et pour donner instruction à cette dernière d’émettre une SBLC en faveur du bénéficiaire, c’est-à-dire l’exportateur, visant à garantir tout défaut de paiement des obligations du donneur d’ordre auprès de l’exportateur en vertu du contrat sous-jacent – underlying contract.
La banque émettrice initie alors les démarches et émet pour approbation la lettre de crédit – SBLC auprès du donneur d’ordre et de l’exportateur. Sur confirmation, la banque émettrice émet officiellement la SBLC qui devient normalement effective au même moment que la signature ou date effective du contrat sous-jacent.
Caractéristiques des lettres de crédit standby
Sécurité financière : Une SBLC offre aux exportateurs une forme fiable de sécurité financière, leur garantissant que le paiement sera effectué même si l’acheteur rencontre des difficultés financières.
Souplesse : Les lettres de crédit standby se présentent sous différentes formes, offrant ainsi une certaine souplesse aux exportateurs. Elles peuvent être basées sur la performance financière ou liées à l’offre, afin de répondre aux besoins spécifiques de la transaction commerciale.
Acceptation mondiale : Reconnues et acceptées au niveau international, les lettres de crédit standby inspirent confiance aux exportateurs et aux importateurs, ce qui favorise la confiance et facilite les transactions transfrontalières.
Atténuation des risques : Les exportateurs peuvent atténuer les risques liés au non-paiement, à l’insolvabilité ou à l’instabilité politique en recourant aux SBLC. Cette atténuation des risques est particulièrement cruciale lorsqu’il s’agit de marchés peu familiers ou de nouveaux partenaires commerciaux ou le fait de faire affaire dans des juridictions peu reconnues pour la stabilité de leurs lois commerciales ou l’indépendance de leur système de justice.
Avantages des lettres de crédit stand-by pour les exportateurs
Assurance de paiement : Le principal avantage d’une SBLC pour les exportateurs est l’assurance de paiement. Avec l’appui d’une institution financière réputée, les exportateurs peuvent s’engager en toute confiance dans le commerce international, sans crainte de non-paiement.
Une crédibilité accrue : La mise en place d’une SBLC renforce la crédibilité de l’exportateur. Elle signale aux acheteurs que l’exportateur est financièrement stable et qu’il a pris des mesures pour sécuriser la transaction, ce qui peut avoir une influence positive sur les relations commerciales.
Faciliter les transactions complexes : Les SBLC sont particulièrement utiles dans les transactions complexes où les risques sont plus élevés. Qu’il s’agisse de conditions d’exécution complexes ou d’accords à long terme, une SBLC constitue un filet de sécurité pour les exportateurs.
Pouvoir de négociation : Armés de la sécurité d’une SBLC, les exportateurs acquièrent un plus grand pouvoir de négociation. Ils peuvent négocier des conditions plus favorables avec les acheteurs, obtenir des contrats de plus grande valeur et étendre leur marché.
Les lettres de crédit standby en action
Examinons un scénario classique pour illustrer le fonctionnement des SBLC dans le cadre d’opérations d’exportation réelles : Un équipementier québécois du secteur aluminium (exportateur) vend des robots industriels à un acheteur étranger.
- Contrat d’achat-vente ou d’approvisionnement: L’équipementier québécois et l’acheteur étranger conviennent des conditions de la vente, notamment du prix, de la livraison et du paiement.
- Délivrance de la SBLC : Dans le cadre de ce contrat, l’acheteur étranger fournit à l’équipementier une SBLC émise par sa banque, garantissant le paiement en cas de non-exécution ou de défaillance.
- Expédition par l’exportateur : L’équipementier expédie les robots industriels à l’acheteur étranger conformément aux conditions convenues.
- Présentation des documents : L’équipementier soumet les documents requis, y compris les factures et les documents d’expédition, à la banque de l’acheteur.
- Déclenchement du paiement : Si l’acheteur étranger n’effectue pas le paiement selon les termes du contrat, l’équipementier peut déclencher la SBLC. L’exportateur présente les documents nécessaires à la banque émettrice, qui débloque alors les fonds prévus par la SBLC.
- Assurance du paiement : L’équipementier reçoit le paiement de sa vente, ce qui garantit la sécurité financière et atténue le risque de non-paiement.
Défis et considérations
Bien que les lettres de crédit standby offrent de nombreux avantages, les exportateurs doivent être conscients des difficultés potentielles et prendre en compte les éléments suivants.
Coûts : Les SBLC peuvent entraîner des frais, ce qui a un impact sur le coût global de la transaction. Les exportateurs doivent évaluer soigneusement les implications financières et tenir compte de ces coûts dans leur stratégie de tarification.
Exigences documentaires : Il est essentiel de respecter strictement les exigences documentaires. Toute anomalie dans les documents soumis peut entraîner des retards de paiement, voire même la suspension ou pire l’annulation du paiement puisque la validité de la SBLC sera remise en question.
Réputation de l’institution financière et son réseau international : L’efficacité d’une SBLC est étroitement liée à la réputation et à la fiabilité de la banque émettrice. Les exportateurs doivent choisir judicieusement leurs partenaires bancaires pour s’assurer de la solidité de la garantie financière. Généralement, plus l’institution financière émettrice détient un réseau mondial de succursales ou de partenaires bancaires, plus grande est la facilitation du processus de mise en place de la SBLC pour le client exportateur.
Quelques angles morts en matière de lettres de crédit standby
Le principe d’indépendance ou d’autonomie : Une pratique croissante permet à des exportateurs de recevoir des avances de paiement de leurs clients internationaux afin de débuter leur contrat, en considération du fait qu’une telle avance de paiement est protégée et garantie par une SBLC au bénéfice du client et émise par la banque de l’exportateur. Ces avances de paiements de la part de clients internationaux mettent ainsi moins de pression sur les liquidités de l’entreprise exportatrice dans une ère inflationniste et de taux d’intérêt élevés, où les coûts de financement des marges de crédit traditionnelles peuvent parfois freiner les ardeurs de croissance à l’international.
La SBLC se distingue du traditionnel cautionnement que nous connaissons au Québec. Sa principale distinction réside en son principe d’indépendance, applicable au Québec et importé de la common law anglo-saxonne depuis l’affaire Angelica-Whitewear de la Cour suprême du Canada.
Contrairement au cautionnement traditionnel au Québec, la banque émettant la SBLC ne pourra pas refuser le paiement en raison d’un conflit ou litige dans la relation entre l’exportateur et le client lorsque le bénéficiaire « tire » sur la SBLC (c’est-à-dire demande à la banque le paiement que la SBLC supporte). Concrètement, si un litige survenait entre l’exportateur et le client, ce litige ne pourra pas servir de base de contestation pour suspendre ou annuler le droit de celui qui bénéficie de la lettre de crédit d’en obtenir les fonds et le paiement qu’elle supporte auprès de la banque émettrice de la SBLC.
Il est à noter aussi qu’au Canada, suivant la Loi sur les banques, une institution financière n’a pas le droit d’émettre une SBLC à moins d’avoir une entente de remboursement avec son client ou avec le demandeur de la lettre de crédit. Cette entente de remboursement va très souvent prendre la forme de quelques paragraphes dans les conventions de facilité de crédit existantes entre la banque et son client et bien sûr son remboursement sera aussi couvert par les sûretés et garanties qui y sont associées.
La révision de vos ententes de financement : Sachant qu’une entreprise exportatrice a généralement des ambitions de plus en plus grandes sur les marchés internationaux, il ne faut pas hésiter à discuter avec son institution financière de la présence et de la possibilité de la SBLC dans vos conventions de crédit. La proactivité sur le sujet peut éviter bien des délais lorsque vient le temps de mettre le tout en place.
Quoi retenir
Dans le paysage en constante évolution du commerce international, les exportateurs sont confrontés à une myriade de défis, et il est primordial d’assurer des paiements rapides et sûrs. Les lettres de crédit standby sont devenues un outil précieux, offrant aux exportateurs une garantie financière solide et atténuant les risques associés aux transactions transfrontalières.
En comprenant les caractéristiques, les avantages et les considérations des lettres de crédit standby, les exportateurs peuvent tirer parti de ces instruments de manière stratégique pour renforcer leur sécurité financière, continuer d’étendre leur portée mondiale et s’engager dans des transactions complexes en toute confiance.
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Me Vassilis Fasfalis, CIC.C
MALLETTE, Expertise comptable, financière, légale et stratégique