par Vassilis Fasfalis, Langlois Avocats, s.e.n.c.r.l.
L’industrie de l’aluminium au Québec, avec ses quelques 1700 transformateurs, plus de 50 équipementiers[1] ses centres de recherche et bien sûr ses producteurs de métal primaire, comporte son lot d’innovations, de recherche et de développement (RD), et ce, année après année. Le domaine de la RD amène très souvent des inventions, des innovations et des nouvelles technologies que leurs propriétaires cherchent à commercialiser afin d’augmenter leurs revenus, de prendre de nouvelles parts de marché et se différencier de leur concurrence.
L’octroi d’une licence technologique constitue une de ces formes de commercialisation. Il s’agit en termes simples pour un concédant (le propriétaire de la technologie) de donner le droit à une autre partie (le licencié) d’utiliser, d’exploiter et de vendre des produits utilisant ou bénéficiant de la technologie en question dans un marché donné. Le fait de bénéficier d’une licence technologique peut permettre de doter son entreprise d’un avantage concurrentiel et parfois même exclusif par rapport à ses compétiteurs.
Nous examinerons dans cet article, cinq (5) erreurs communes, à éviter lorsque vient le temps de négocier une telle entente de licence technologique, vous aidant ainsi à naviguer plus efficacement dans le processus et à obtenir des résultats favorables.
Erreur no.1 – Ne pas définir clairement la portée et l’objectif :
L’une des erreurs majeures lors de la négociation d’un contrat de licence technologique est de ne pas définir clairement la portée et l’objectif de la licence. La définition de la portée et de l’objectif passe également par un exercice préalable, soit d’allouer du temps de préparation à une telle négociation avec ses conseillers et aussi de déterminer en quoi la licence technologique souhaitée est conforme ou complète les objectifs stratégiques de son entreprise.
Il est primordial de s’assurer que les deux parties ont une compréhension commune de la technologie sous licence, y compris ses fonctionnalités spécifiques, ses limitations, son territoire visé et son utilisation prévue. L’ambiguïté à cet égard peut conduire à des litiges coûteux, pouvant entraîner une perte de temps et de ressources.
Pour ce faire, il est nécessaire de définir clairement la technologie sous licence, de déterminer si les améliorations de la technologie font partie de la licence, établir ses applications et tous les services de support associés pour éviter d’éventuels malentendus et garantir que les deux parties sont alignées dès le départ. Parfois la terminologie utilisée peut vous laisser croire que vous êtes seul à détenir la licence alors qu’il n’en est rien. Ipso facto, une lecture rigoureuse et une compréhension fine de l’ensemble des termes doivent être effectuées avant la signature d’une entente entre les parties concernées.
Erreur no.2 – Négliger la propriété intellectuelle et les droits afférents :
La propriété intellectuelle et les droits afférents à la technologie développée sont des considérations fondamentales dans les contrats de licence technologique. Ne pas aborder adéquatement ces enjeux peut entraîner des complications commerciales et juridiques dans l’avenir.
Trop souvent, le poids dans la négociation est le rapport de « force » qu’une des parties a par rapport à l’autre. Cela fait en sorte que la partie qui se sent en désavantage (ex.: le licencié) évite de remettre en question des concepts de la licence proposée ou s’abstient de proposer des amendements craignant que le concédant cesse les négociations ou pire tente d’intéresser un compétiteur. Or, détenir une mauvaise licence équivaut potentiellement à ne pas avoir de licence. Sous prétexte qu’il s’agit de langage dit « standard », bien des entrepreneurs acceptent des termes et conditions dans des licences technologiques qui les placent en désavantage par rapport à leurs concurrents.
Il est essentiel de s’assurer entre les deux parties signataires que le contrat stipule clairement la propriété de la technologie sous licence ainsi que toute amélioration ou modification qui pourrait survenir pendant la durée de la licence. En plus de clarifier les droits du concédant en ce qui concerne l’exécution des droits de propriété intellectuelle et les obligations du licencié de protéger et de respecter la propriété intellectuelle du concédant.
N’hésitez pas à avoir recours à un conseiller juridique qui s’y connaît en la matière pour vous accompagner dans le processus de négociation et vous procurer une valeur ajoutée par ses conseils, afin que vous puissiez signer un contrat de licence équitable et équilibré avec votre vis-à-vis.
Erreur no.3 – Omettre d’établir des indicateurs de performance réalistes :
Sans des indicateurs de performance clairs, il peut être difficile d’évaluer le succès et l’efficacité de la technologie sous licence. Lors de la négociation d’un contrat de licence technologique, il est nécessaire d’établir de manière proactive les indicateurs de performance qui correspondent à vos objectifs commerciaux.
La détermination d’indicateurs clés de performance (KPI) vous aidera à mesurer la valeur et l’impact de la technologie sous licence sur vos opérations. Cela fournira non seulement un cadre d’évaluation de la performance du concédant, mais vous permettra également d’identifier des domaines d’amélioration et de renégociation possibles pendant la durée de la licence ou durant une période de renouvellement.
Erreur no.4 – Ignorer les dispositions de résiliation et de renouvellement :
Les dispositions de résiliation et de renouvellement sont des éléments cruciaux de tout contrat de licence technologique. Ne pas aborder ces dispositions peut rendre les deux parties vulnérables à des conséquences inattendues. Il est indispensable de définir explicitement les conditions dans lesquelles chaque partie peut résilier le contrat, notamment la résiliation unilatérale, le non-respect des indicateurs de performance ou les changements dans les circonstances commerciales.
De la même façon, il est important d’établir une procédure de renouvellement ou de renégociation, garantissant que le contrat reste pertinent à mesure que la relation entre le concédant et le licencié évolue. En incluant des dispositions de résiliation et de renouvellement bien définies, vous pourrez protéger vos intérêts et maintenir une certaine flexibilité tout au long de la durée dans le contrat.
Erreur no.5 – Incompréhension du mode de rémunération et des termes de paiement
Que ce soit au moyen de royautés, de paiements forfaitaires, une combinaison des deux ou autrement, la considération monétaire que le licencié devra verser au concédant pour obtenir et exploiter la licence, est un élément de discussion et de négociation incontournable.
La définition de la base de calcul utilisée pour déterminer les royautés ou toute autre forme de compensation payable au concédant doit être examinée avec attention.
S’agit-il d’un pourcentage des ventes du produit issu de la technologie, sans égard au client qui effectue l’achat? Ou sans égard au territoire où la vente a lieu? Est-ce qu’un cap maximal annuel doit être négocié? Est-ce qu’il y a un minimum à verser, même si aucune vente n’est effectuée? Le fait que les ventes ne soient pas au rendez-vous, est-ce dû à la technologie elle-même, un défaut de cette dernière ou au manque d’efforts du licencié ou une combinaison de ces éléments et qui supporte ces risques dans de tels cas?
Toutes des questions auxquelles il faudra répondre au moyen de discussions et de négociations menant à la signature de la licence technologique.
La négociation d’un contrat de licence technologique est un processus qui exige une attention méticuleuse et une expertise. En évitant ces cinq (5) erreurs courantes, vous pourrez naviguer plus efficacement dans le processus de négociation. L’appel à un conseiller juridique spécialisé en ces questions augmentera la probabilité que vous obteniez un contrat équitable et équilibré, qui établira les bases d’une collaboration efficace entre les parties concernées, possiblement une croissance et une innovation réussies pour votre entreprise.
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Me Vassilis Fasfalis,
Associé – Droit des affaires
Langlois Avocats
vassilis.fasfalis@langlois.ca
https://langlois.ca/fr/
Références
Note : Le présent article contient des informations à caractère juridique qui sont à jour en date de sa publication, soit le 3 août 2023.
[1] Données issues de AluQuébec – Grappe de l’aluminium ALUQC – Équipementiers| ALUQC – Transformation