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par Céline Normandin

La première révision importante de la consigne depuis sa mise en place en 1984 pourrait permettre de récupérer  90% des canettes d’aluminium en circulation.

Longtemps réclamée, une nouvelle mouture de la consigne a finalement été implantée le 1er novembre 2023 au Québec. Il s’agit de la première phase d’un élargissement de la consigne, opération qui s’étalera jusqu’au 1er mars 2025. À partir de cette date, une deuxième phase sera déployée. Il sera alors possible de déposer à la consigne de nouveaux types de contenants, tels que les produits cartonnés et multicouches, ainsi que les bouteilles de vin verre et de plastique.

Après deux mois de l’implantation des nouvelles mesures, le président-directeur général de l’Association québécoise de récupération des contenants de boissons (AQRCB), Normand Bisson, se dit satisfait, mais souhaite attendre un peu plus avant de tirer un bilan. « C’est un peu tôt pour évaluer l’impact de la première phase de modernisation de la consigne. On sait qu’on a recueilli 300 000 contenants de plus, ce qui porte le total de la consigne à 2,8 milliards de contenants. La hausse de 5 à 10 cents pourrait influencer les comportements de recyclage (les gens ayant repoussé le geste pour profiter de la hausse), surtout avec les particularités du mois de décembre. Une analyse plus précise sera possible en avril, pour vraiment comprendre l’effet de cette modernisation.»

Plus de contenants et prix ajustés

M. Bisson se montre toutefois très heureux du passage à l’élargissement de la consigne qui s’est fait sans anicroche. « Il n’y a pas eu de réels pépins malgré le fait qu’on intègre maintenant 23 000 produits différents. Les récupérateurs se sont aussi ajustés ».

Les chiffres de RECYC QUÉBEC montrent qu’environ 70 à 75 % des canettes d’aluminium étaient récupérées sous l’ancien mode de récupération. La consigne ne visait alors que les canettes de boisson gazeuse et de bière, ainsi que les contenants de plus de 340 ml. Avec la mise en place de la première phase, toutes les cannettes en aluminium de 100 ml à deux litres sont consignées. C’est ainsi que les canettes de jus et les cannettes d’eau gazéifiée sont maintenant incluses dans le système de consigne.

Autre changement apporté au 1er novembre 2023, tous les contenants consignés, à l’exception des bouteilles de verre de 500 ml à deux litres, ont un prix ajusté de 10 cents. Il s’agit d’une augmentation du montant de la consigne pour tous les types de cannettes, sauf pour les grandes cannettes de bière de plus de 450 ml, dont la consigne passe de 20 à 10 cents. Le changement se veut un incitatif mais vise aussi la simplicité en uniformisant les prix, selon l’AQRCB. Les autres modifications implantées concernent les bouteilles de verre de 500 ml et plus qui sont désormais consignées à 25 cents.

Une consigne gérée par l’industrie

Bien que la consigne existe depuis 1984 au Québec, la nouvelle règlementation est le premier changement significatif à être introduit depuis tout ce temps. L’idée de modifier les règles concernant la récupération des contenants a été invoquée en 2017, mais il aura fallu attendre en 2020 pour que le gouvernement aille de l’avant, ce qui a été suivi par la mise sur pied de projets pilotes qui ont été tenus de 2021 à 2023. La première phase a également été retardée d’un an, à la demande de Québec.

C’est à l’issue des discussions de la nouvelle consigne que l’AQRCB a été désignée par RECYC-QUÉBEC en 2022 à titre d’organisme chargé de la gestion de la consigne. L’AQRCB a donc le mandat d’élaborer, de mettre en œuvre, de financer et de gérer le système de consigne modernisé, selon le principe de la responsabilité élargie des producteurs (REP). « C’est l’industrie des producteurs qui a la gestion des contenants à travers les détaillants, ainsi que des lieux de retour », explique M. Bisson. L’organisme regroupe les producteurs de boissons engagés dans la récupération, le réemploi, le recyclage et la valorisation des contenants de boisson au Québec, tels que Pepsico, l’Association des microbrasseries du Québec et plusieurs autres embouteilleurs. Consignaction est pour sa part l’image de la consigne.

Des canettes recyclées aux États-Unis

En ce moment, on estime qu’environ 2,8 milliards de contenants sont recueillis par la consigne, en presque totalité des canettes d’aluminium. Avec l’élargissement de la consigne, l’objectif est de faire passer la récupération de 70-75 % des canettes à un taux de 90 % d’ici 2032, indique le PDG de l’AQRCB. Le but est d’atteindre en 2032 un taux de récupération de 90 %, ce qui représente dans les faits un taux de 100 %, ajoute l’organisme.

Les projets pilotes ont permis de mieux comprendre les pistes de solution pour améliorer le réseau. De nouveaux concepts ont été explorés, tels que le dépôt par sacs, ainsi que de nouveaux types de lieux de retour. De l’équipement plus performant et automatisé a aussi été implanté.  « Il faut tout mettre en place. Il faut en premier lieu un réseau extrêmement facilitant pour les consommateurs », résume M.Bisson.

Pour l’instant, les embouteilleurs et les brasseurs poursuivent le même modus operandi en vigueur  avant le nouveau règlement, puisque le même type de contenant est recueilli. Ils récupèrent donc les contenants de boisson consignés chez les détaillants pour ensuite l’amener chez un conditionneur accrédité. « On n’a pas changé la formule puisqu’elle fonctionnait très bien ». À partir du 1er mars 2025, d’autres transporteurs prendront en main les contenants pour les rediriger vers les conditionneurs. Selon le cycle actuel, une canette d’aluminium récupérée est recyclée à 100 % et se retrouve 60 jours plus tard sur les tablettes.

Là où le bât blesse est que les canettes d’aluminium sont recyclées à l’extérieur de la province. Elles sont transportées par camions dans des alumineries de l’Est des États-Unis, déclare M. Bisson. « Le volume actuel de canettes recyclées au Québec ne rend pas économiquement viable l’exploitation d’un laminoir pour l’aluminium de série 3000, nécessaire à la fabrication de nouvelles canettes. L’absence de telles installations de recyclage place en compétition les objectifs de valorisation locale, de recyclage en nouvelles canettes et de suprarecyclage prévus dans la réglementation. Malgré les défis techniques et économiques inhérents au recyclage de l’aluminium, nous sommes toutefois ouverts à collaborer avec des entrepreneurs désireux d’investir pour permettre un recyclage plus local. »

Une année chargée pour la deuxième phase de la consigne

L’attention de l’AQRCB se tourne maintenant vers la mise en place de la deuxième phase de la modernisation de la consigne, un défi important en raison de la quantité et de la nature des contenants de boisson consignés qui prendront le chemin de la récupération. Il reste de nombreux gestes à poser pour s’assurer du succès de la deuxième étape, comme établir des lieux de collectes ayant pignon sur rue, en collaboration avec les municipalités, et s’assurer d’avoir l’équipement adéquat.

Le succès de la modernisation passera selon le PDG par une nouvelle conceptualisation de la consigne qui change d’image, en transitant transitant vers un réseau de lieux de retour conçus dans une optique commerciale plutôt qu’industrielle telle qu’on le voit habituellement dans d’autres juridictions. « C’est vers ça qu’on veut aller, en mettant en place des lieux de retour agréables pour les usagers. On veut avoir le maximum de valorisation par produit, en faisant en sorte que les bouteilles soient retransformées en bouteille, le verre en verre et les canettes en canettes. »

M. Bisson admet que des ajustements seront nécessaires, comme il a été révélé par des reportages dans les médias où des points de cueillette désignés ont refusé certains types de contenants de boisson consignés ou de les prendre carrément. Il estime cependant que ces histoires sont plus anecdotiques que représentatives de ce qui se passe sur le terrain. « Il faut regarder le réseau dans son ensemble qui comprend 3800 lieux de retour. Il se peut que les gens ne sachent pas, mais ces incidents isolés ne représentent pas beaucoup de volume sur l’ensemble. Actuellement, 85 % des transactions de consigne se font via des détaillants de grandes surfaces et nous avons enregistré plus de cinq millions de transactions en novembre et décembre 2023. L’AQRCB a la situation sous contrôle ».

L’important, selon le PDG, est de souligner que l’implantation s’est bien déroulée, mais surtout de rappeler l’importance du geste de rapporter les produits recyclables à la consigne. « L’aluminium est un bon exemple de l’importance de la consigne, puisque c’est un matériau recyclable à l’infini, cela a un grand impact environnemental ».