par Carol Néron
De tous les défis que doit relever l’économie mondiale, la décarbonation est sans doute le plus grand. Le vert est devenu la couleur dominante dans les rapports annuels des grands de l’industrie. Au Canada, les producteurs d’aluminium primaire, comme Rio Tinto et Alcoa, font leur part. Dans la course engagée pour contrer les effets destructeurs sur le climat du réchauffement de l’atmosphère, ils font même office de leaders en raison de leur capacité à innover.
L’aluminium est recyclable à l’infini. Dans plusieurs domaines et face, par exemple, à l’acier, tous s’accordent à dire que ce métal occupe une position avantageuse. À l’heure de la transition énergétique, sa capacité à se reproduire indéfiniment est son principal atout. Mais cette industrie, porteuse d’avenir, est également confrontée à des problèmes aigus, dont les origines sont nombreuses. L’année 2022 aura été particulièrement significative à cet égard, ainsi que le rappelait, récemment, le président-directeur général de l’Association de l’aluminium du Canada (AAC), Jean Simard : « De toute ma carrière, disait-il, je n’ai rien vu de comparable aux crises qui ont secoué notre industrie lors de la dernière année ! »
L’industrie mondiale de l’aluminium a été la cible, en effet, d’importantes attaques au cours des derniers mois. Le Canada occupe le 5e rang des producteurs mondiaux. À ce titre, il a été heurté de plein fouet. La crise devrait d’ailleurs perdurer en 2023. La Chine est le principal élément perturbateur en continuant de déverser sur le marché des produits généreusement subventionnés et à haute intensité de carbone. Cette politique crée des surplus.
À ces différents facteurs, il faut ajouter un contexte géopolitique mondial fragilisé, depuis un an, par la guerre en Ukraine et le fait que les États-Unis continuent de protéger leurs producteurs d’aluminium. Ils obligent ainsi les pays exportateurs, au premier rang desquels figure le Canada, à se soumettre à des règles sévères et coûteuses.
L’Aluminerie Alouette opte pour le gaz naturel
Malgré le climat géopolitique et économique morose, l’industrie canadienne de l’aluminium réussit quand même à garder le cap, tant dans les secteurs étroitement liés à la transition énergétique qu’à l’innovation.
Au mois de juin 2022, l’Aluminerie Alouette de Sept-Îles a abandonné le mazout au profit du gaz naturel dans le processus de cuisson de ses fours d’anodes. Une transition réussie en collaboration avec Energir, selon Michel Lussier, vice-président Ressources humaines et Affaires corporatives, également responsable du volet environnemental : « Nous sommes devenus des pionniers sur la Côte-Nord avec cet investissement global de 23 millions $. Les 75 rampes ont été remplacées pour faciliter l’utilisation du gaz, un combustible davantage respectueux de l’environnement. On réduit d’environ 30 % les émissions de gaz à effet de serre liées à la cuisson. La concrétisation de ce projet contribue à la modernisation de nos installations et marque un tournant pour notre organisation et pour l’ensemble des industries nord-côtières ».
L’Aluminerie Alouette a comme objectif de décarboner complètement ses opérations d’ici 2050.
Standards d’excellence
Par ailleurs, la transition vers le gaz naturel permet à l’Aluminerie Alouette de maintenir ses standards d’excellence dans toutes ses opérations. Elle mentionne, dans son dernier rapport annuel, que c’est aussi le cas en ce qui concerne les eaux de ruissellement et les matières résiduelles : « Des centaines de millions de dollars seront investis au cours des prochaines années pour la modernisation et la pérennité de nos installations. Tout en restant à l’échelle humaine, nous assumerons notre rôle de leader mondial dans la production d’aluminium vert responsable. Nous sommes une entreprise ultra-connectée, automatisée, 100 % circulaire et carboneutre ».
Transporteurs d’anodes électriques chez Rio Tinto
Rio Tinto n’est pas en reste. La multinationale, fortement implantée au Canada à partir, notamment, du Saguenay–Lac-Saint-Jean, vient de conclure une entente de partenariat avec EPIQ Machinerie, entreprise née de la fusion de Mecfor et d’Advanced Dynamics, pour la production de transporteurs d’anodes et de creusets entièrement électriques. Il s’agit d’un projet pilote qui fait désormais partie du programme de décarbonation de l’entreprise.
Le nouvel équipement robotisé devrait être opérationnel au début de 2024. Il sera affecté aux opérations d’entretien des fours de métal en fusion. Il a été mis au point par EPIQ Machinerie en collaboration avec Dynamic Concept; il est appelé à remplacer graduellement le transporteur présentement en service, qui utilise le carburant diesel. Si l’expérience s’avère concluante, elle pourrait s’étendre à toutes les autres alumineries de l’Amérique du Nord.
L’aluminium, pour un futur décarboné
Selon l’Institut français pour les énergies nouvelles (IFPEN), l’aluminium est un outil essentiel de la transition énergétique. L’organisme œuvre dans le champ de la recherche, de l’innovation et de la formation dans les domaines de l’énergie et de l’environnement.
Les experts de l’IFPEN estiment que la demande pour le métal gris est appelée à croître considérablement à l’horizon de 2050 : « L’aluminium sera un allié privilégié de l’allègement des véhicules et un élément incontournable des infrastructures électriques, des panneaux solaires et des éoliennes. Un futur décarboné implique donc une augmentation des capacités mondiales de production. L’aluminium est employé de façon croissante dans les technologies de transition bas-carbone. On le retrouve aussi dans le packaging des batteries. En raison de sa légèreté, c’est un élément privilégié des nacelles et des pales d’éoliennes. On le retrouve dans les aimants permanents et il est aussi utilisé pour les cadres et les onduleurs dans les panneaux photovoltaïques. Les infrastructures de raccordement électrique sont, par ailleurs, friandes de ce métal. Enfin, c’est un élément massivement employé dans le domaine de la mobilité en raison de sa légèreté ainsi que de sa résistance ».
Le point de vue de Norsk Hydro
Norsk Hydro, l’une des plus importantes entreprises mondiales spécialisées dans le recyclage de l’aluminium et, en conséquence, un intervenant majeur de l’économie circulaire, rappelle que le recyclage de 1 tonne d’aluminium permet d’économiser 6 tonnes de bauxite et 9 tonnes d’émissions de CO2 : « Ce métal est le 3e élément le plus abondant de la croûte terrestre, et ce, après l’oxygène et le silicium. En un mot, il y a plus d’aluminium que de fer dans le monde; cette ressource durera pendant des générations en tenant compte de la consommation actuelle. Une pièce d’aluminium ne pèse que le tiers de son équivalent en acier. Son faible poids se traduit par une réduction de la consommation d’énergie pendant le transport ».
Au niveau mondial, le recyclage permet d’économiser, toujours selon Norks Hydro, plus de 100 millions de tonnes de CO2 chaque année : « Une pièce extrudée en aluminium est généralement mise au rebut après une utilisation qui s’est échelonnée, en moyenne, sur 15 ou 20 ans. Après avoir été recyclé, ce métal aura une seconde vie. Le processus de refonte ne représente que 5 % de l’énergie initiale utilisée pour produire de l’aluminium primaire. L’aluminium ne perd aucune de ses propriétés pendant le processus de recyclage ».