par Isabelle Simard
Dans cette deuxième partie de « La place des femmes dans le secteur de l’industrie de l’aluminium », nous allons à la rencontre de celles qui ont choisi de faire carrière dans cette industrie fortement représentée par les hommes. Leur motivation et leur intérêt à travailler dans la filière aluminium et à participer à son essor dépassent largement la question paritaire comme nous l’avons vu auprès des chercheuses du milieu. Dans cette série d’entrevues, nous faisons le portrait de ces femmes de l’aluminium : des scientifiques, des directrices départementales, des ingénieures en métallurgie, etc. Elles nous partagent leur parcours professionnel et mettent en lumière le rôle de femme dans cette industrie qui leur ouvre aujourd’hui grand ses portes.
Les directrices départementales du secteur de l’aluminium

« Nous avons instauré une porte ouverte pour permettre aux femmes et à toute la communauté de venir visiter nos installations. » – Marie-Ève Laframboise
Marie-Ève Laframboise est directrice de la fonderie d’Alcoa à Baie-Comeau. Elle détient un baccalauréat en génie chimique de l’Université Laval. En plus de diriger le département de la fonderie, Marie-Ève gère les différentes équipes qui s’y rattachent comme le département du transport ainsi que celui du ferroviaire/port d’Alcoa Baie-Comeau et agit à titre de ressource pour les clients externes de l’aluminerie.
« Mon père travaillait dans l’aluminium et lorsque j’étais étudiante au cégep, pendant deux étés, j’ai travaillé dans une aluminerie, plus précisément en hygiène industrielle. Mon travail me permettait d’aller visiter plusieurs départements. J’ai appris ce qu’était la profession d’ingénieur de procédés et c’est vraiment à ce moment-là que j’ai décidé d’orienter mes études dans ce domaine. »
Marie-Ève a effectué ses stages à l’Aluminerie Alcoa de Deschambault et à l’Aluminerie Alouette à Sept-Îles au sein de différents départements, notamment en environnement et hygiène, développement des technologies de l’électrolyse et du carbone. Après avoir obtenu son baccalauréat, elle a décroché son premier emploi à l’Aluminerie Alcoa de Baie-Comeau comme ingénieure de procédés à l’électrolyse.
« Ce poste, que j’ai occupé durant six ans, m’a permis de toucher à beaucoup de choses telles que les procédés de cuves, le brasquage, le scellement des anodes », décrit-elle.
Au retour d’un premier congé de maternité, son employeur lui a offert un poste de chef de section de l’équipe technique de la fonderie. « Je n’avais jamais touché au département du centre de coulée et de la fonderie. C’était un beau défi », ajoute-t-elle. Après un second congé de maternité, on lui a confié le poste de directrice adjointe de la fonderie et, plus récemment, le poste de directrice de ce même département.
À 34 ans, Marie-Ève est fière de s’être taillée une place dans un milieu majoritairement composée d’hommes. Reconnaissante aussi envers son employeur qui a toujours démontré une grande ouverture à la conciliation famille et travail.
« Il y a dix ans, les femmes étaient peu nombreuses à occuper un poste de gestionnaire. Dans mon cas, chaque grossesse a été un tremplin vers un poste supérieur. Et il a toujours été très clair que ma famille passerait toujours en premier. » Elle et son conjoint ont établi une routine qui leur permet de se réaliser pleinement dans leur vie personnelle et professionnelle.
Aux femmes qui hésitent encore à s’orienter dans le domaine de l’aluminium, craignant que le travail soit trop physique, Marie-Ève recommande de rencontrer d’autres femmes qui travaillent dans ce milieu pour discuter avec elles. Le secteur de l’aluminium offre de belles opportunités et les façons de faire ont beaucoup évolué dans les usines, par exemple en ce qui concerne l’ergonomie au travail. Il y a aussi un grand respect et un bel esprit d’équipe où les employé.e.s, hommes et femmes, ont leur place.

« Nous avons procédé à des améliorations en usine pour que les femmes puissent réaliser les tâches plus physiques. Et cela profite à tout le monde, hommes et femmes. » – Marie-Hélène Martin
Marie-Hélène Martin est directrice Santé et sécurité de l’Aluminerie Alcoa de Deschambault. Auparavant, elle a occupé la même fonction au département de la production, celui des électrodes, puis de la maintenance pour la même entreprise. Bachelière en génie chimique de l’Université Laval, elle est détentrice d’une maîtrise en génie civil dans le domaine de l’aluminium.
« J’ai besoin d’une bonne combinaison de travail physique et de travail de bureau pour me réaliser pleinement. J’adore les défis et d’avoir à réfléchir pour trouver des solutions à des problèmes difficiles à résoudre. Je suis une mordue des sciences », débute-t-elle.
« Pendant mes études, j’ai découvert l’industrie lourde lors de mon stage en pétrochimie chez Valero. Je faisais un stage en environnement et c’était un travail de terrain où je devais faire de l’échantillonnage. J’avais la chance de m’imprégner de tous les secteurs de production. C’est à cet endroit que j’ai eu la piqûre pour l’industrie lourde. J’ai continué à y travailler après mes études. »
Fortement attirée par les aspects techniques, elle a obtenu un poste d’ingénieure de procédés chez Rio Tinto Saguenay. Un second déclic s’est produit, cette fois-ci pour le domaine de l’aluminium.
Cinq ans après avoir fait son entrée sur le marché du travail, Marie-Hélène est retournée sur les bancs d’école pour entreprendre une maîtrise en génie civil dans le domaine de l’aluminium. Elle a été admise à la Chaire de recherche industrielle CRSNG Alcoa, spécialisée dans la modélisation avancée des cuves d’électrolyse et de l’efficacité énergétique.
« Je suis entrée à l’Aluminerie Alcoa de Deschambault comme ingénieure de procédés, tout en finissant ma maîtrise. C’est aussi durant cette période que j’ai eu mon premier enfant. J’ai occupé ce poste durant quelques années. J’ai eu mes deux autres enfants, puis on m’a offert le poste de chef technique responsable de la production d’aluminium. »
« Partout où je suis passée, l’inclusion des femmes dans les équipes était présente et j’ai très confiance en l’avenir. Je n’ai jamais senti qu’on me traitait différemment parce que je suis une femme », souligne-t-elle.
À 43 ans, elle est fière de son cheminement. Un parcours qui s’est réalisé rapidement tout en devenant maman de trois enfants. « Je suis contente d’avoir osé retourner à l’école après avoir travaillé cinq ans. C’était un choix difficile qui m’obligeait à laisser une excellente rémunération pour un prêt et bourse, mais cela m’a permis d’aller chercher des acquis que je n’aurais pas eus si j’avais fait ma maîtrise tout de suite après ma sortie de l’école. J’avais la connaissance du terrain, je comprenais où j’allais et pourquoi je le faisais », termine-t-elle.
Les femmes de l’aluminium, c’est aussi la relève de demain.