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par Isabelle Simard

Elles ont choisi de faire carrière dans l’industrie de l’aluminium, un milieu encore fortement représenté par les hommes. Leur motivation et leur intérêt à travailler dans ce domaine et à participer à son essor dépassent largement la question paritaire. Dans cette série d’entrevues, nous allons à la rencontre des femmes de l’aluminium : des scientifiques, des directrices départementales, des ingénieures en métallurgie, etc.  Elles nous parlent de leur parcours professionnel et mettent en lumière le rôle de femme dans cette industrie qui leur ouvre aujourd’hui grand ses portes. 

Les chercheuses du secteur de l’aluminium

« Ma réalisation la plus importante est la réussite de mes étudiants. Plusieurs d’entre eux occupent des postes importants dans différentes institutions à l’intérieur et à l’extérieur du Canada. » – Duygu Kocaefe

Duygu Kocaefe est professeure titulaire en génie mécanique au Département des sciences appliquées à l’UQAC, directrice des études supérieures en ingénierie (volet recherche) et responsable scientifique de l’axe 1 (production) du Centre de recherche sur l’aluminium-REGAL. Elle est conseillère scientifique du Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies (FRQNT) et siège au conseil d’administration de l’Association de la francophonie pour les femmes en sciences, technologies, ingénierie et mathématiques (AFFESTIM).

La recherche sur l’aluminium et l’enseignement se situent au cœur de son parcours professionnel. Sa feuille de route bien remplie compte de nombreuses études expérimentales notamment sur le carbone, la filtration de l’aluminium et d’autres projets liés à l’aluminium et ayant mené à diverses applications industrielles reconnues à l’échelle internationale. Parallèlement, ses recherches sur les procédés industriels dans l’aluminium ont été appliquées au domaine du bois. Duygu a dirigé un groupe de recherche sur la thermotransformation du bois, une chaire UQAC/AAI sur le carbone et une chaire sur les matériaux industriels (CHIMI).

« La recherche sur l’aluminium présente de nombreux défis, en plus d’être ouverte à de nouveaux développements et de multiples innovations. Nous avons une synergie dynamique et collaborative avec les différents acteurs de l’industrie qui valorisent nos efforts et utilisent nos découvertes. Je trouve cela très motivant », explique la chercheuse, qui a publié au fil des ans plus de 200 articles dans les journaux scientifiques et à l’occasion de conférences nationales et internationales.

Actuellement, l’environnement est l’un des principaux sujets de sa recherche. Elle travaille entre autres sur le remplacement partiel du coke de pétrole par du biocharbon, qui est un matériau renouvelable dans la production des anodes. L’objectif est de diminuer l’émission de GES et aussi de contribuer à la production de l’aluminium vert.

Comme professeure, Duygu Kocaefe supervise et cosupervise des étudiants à tous les cycles (baccalauréat, maîtrise, doctorat et postdoctorat). « Certains de mes étudiants sont devenus vice-recteur, professeurs, scientifiques dans des entreprises de renommée internationale. C’est une très grande fierté pour moi », admet-elle. Elle-même détient un baccalauréat en génie chimique de l’Université technique du Moyen-Orient en Turquie. Elle a poursuivi ses études supérieures à l’Université du Nouveau-Brunswick en génie chimique.

Son plus grand défi? « Quand j’ai commencé à travailler, le fait d’être immigrante et femme m’a occasionné quelques difficultés. Cette situation a beaucoup changé au cours des années durant mon parcours. Je suis la première professeure régulière femme en ingénierie à l’UQAC. J’en suis très fière. »

À son avis, rien ne devrait arrêter les femmes qui souhaitent orienter leur carrière dans le secteur de l’aluminium, mais quelques obstacles résistent.

« Le principal obstacle est que les filles ne choisissent pas l’ingénierie comme métier. Aussi, celles qui le choisissent, elles l’abandonnent au bout d’un certain temps en raison de la difficulté de concilier la famille et le travail. Les femmes représentent actuellement 15,3 % des ingénieurs en exercice au Québec et 14 % des ingénieurs au Canada (2021). Le pourcentage de femmes parmi les professeurs d’ingénierie au Canada est d’environ 17 %. Nous devons éduquer les jeunes et leur présenter des modèles afin d’augmenter le nombre d’ingénieures. C’est pour cette raison que je suis devenue membre de l’AFFESTIM. »

« Mon message aux jeunes femmes qui s’intéressent à l’industrie de l’aluminium est de ne pas hésiter à prendre cette voie. C’est un domaine fascinant! » – Elena Ulate Kolitsky

Elena Ulate Kolitsky est chargée de projets, recherche et développement, au Centre de métallurgie du Québec (CMQ). Originaire du Costa Rica, elle a obtenu son baccalauréat en sciences et génie des matériaux avec spécialisation en procédés industriels à l’Institut des technologies du Costa Rica. En 2019, elle s’est établie au Québec pour y poursuivre ses études et obtenir son doctorat en sciences des matériaux et de l’énergie à l’UQTR.

« Lors de mes études au Costa Rica, j’ai eu l’opportunité de travailler dans la recherche sur les alliages de titane pour l’application biomédicale. C’est à ce moment-là que j’ai eu envie de faire de la recherche dans ce domaine. En venant au Québec, c’était une belle occasion de découvrir toutes les possibilités de l’industrie de l’aluminium, mais aussi du titane et de l’acier », raconte-t-elle.

Durant son doctorat, Elena était stagiaire de recherche au Centre de métallurgie du Québec. « Lorsque j’ai terminé mes études, le CMQ m’a embauchée à temps plein comme chargée de projets en recherche et développement. Pour moi, c’est une chance, car j’aime le travail de recherche et la métallurgie de façon générale. »

Ses recherches portent notamment sur la métallurgie des poudres et le développement d’alliages tel le développement d’un alliage d’aluminium pour des applications aéronautiques.

« En transition énergétique, il y a de nouveaux projets qui voient le jour au Québec et le sujet m’intéresse beaucoup. Avec l’aluminium, par exemple, on peut faire des batteries Al-air et aussi la légèreté du matériau permet de réduire le poids de différentes composantes », résume-t-elle.

Le domaine de la métallurgie étant historiquement dirigé par des hommes, la chercheuse constate qu’il y a encore du travail à faire pour que les femmes soient mieux représentées au sein de l’industrie. « Il faut travailler pour attirer plus de femmes, par exemple, des ingénieures, car elles sont encore trop peu nombreuses. »

« Lorsque j’étudiais au Costa Rica, c’était la première fois que les femmes représentaient 51 % des étudiants inscrits au programme de génie des matériaux de l’Institut des technologies. J’aimerais tant qu’il en soit ainsi au Québec », ajoute-t-elle.

À 28 ans, Elena est fière d’avoir choisi la recherche en métallurgie, un domaine qui la fascine toujours davantage, de jour en jour. Fière également d’avoir découvert une nouvelle culture et une langue qu’elle ne connaissait pas du tout à son arrivée. « Aujourd’hui, je rédige mes rapports en français et je parle également en français avec mes clients. J’en suis fière. »

Les femmes de l’aluminium, c’est aussi la relève de demain.