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Par Céline Normandin

GRANDE ENTREVUE avec Louis Tremblay, Président et Chef de la direction de FLO.

Louis Tremblay, c’est le « gars » derrière FLO. L’entrepreneur qui vient de fêter ses quarante ans est la preuve que lorsque la passion, la conviction et la détermination se rencontrent, il est possible d’accomplir de grandes choses, telles que fonder une entreprise florissante et combattre les changements climatiques, tout en ayant à cœur les valeurs humaines.

Louis Tremblay, Président et Chef de la direction de FLO. Crédits photo : Courtoisie FLO.

En un peu moins de 15 ans, l’entreprise québécoise FLO a réussi à s’imposer dans le secteur du véhicule électrique en devenant le plus grand opérateur de réseaux de bornes de recharges au Canada et un joueur important aux États-Unis. L’entreprise a d’ailleurs récemment souligné le jalon des 100 000 bornes vendues en Amérique du Nord. Ces dernières sont  conçues au Québec et assemblées à Shawinigan et depuis juin 2021, à Auburn Hills au Michigan.

FLO est verticalement intégrée, ce qui veut dire qu’elle contrôle chaque étape, de la conception et l’assemblage des bornes, en passant par la conception des logiciels jusqu’à la maintenance des bornes et du réseau. C’est ce qui lui permet d’avoir un des temps de disponibilité (uptime) parmi les meilleurs de l’industrie.  Sa nouvelle borne FLO UltraMC, lancée en février dernier, peut quant à elle recharger la plupart des véhicules électriques à 80 % en 15 minutes.

L’entreprise de Québec multiplie aussi les ententes. Elle s’est associée avec la Banque de l’infrastructure du Canada afin de déployer près de 2 000 ports de recharge rapide publics à travers le Canada d’ici 2027, grâce à un prêt de 235 millions de dollars. Sa collaboration avec Hydro-Québec, amorcé en 2013, a franchi une nouvelle étape, FLO ayant été sélectionnée pour fournir 7 500 bornes au circuit électrique d’ici 2026, ce qui s’ajoute aux 4 500 bornes déjà fournies par FLO à la société d’État.

Derrière cette croissance fulgurante, reconnue par le classement Fast 500 de Deloitte en 2021, se trouve Louis Tremblay. Grâce à une vision humaine et un désir de contribuer concrètement à la lutte aux changements climatiques, l’entreprise qu’il a cofondée a misé sur la croissance « du plus grand marché de l’automobile et de l’énergie au monde », qui se trouve au Québec, selon l’entrepreneur.

Louis Tremblay raconte son parcours, ses motivations et ses valeurs entrepreneuriales tout en évoquant les défis à relever pour FLO, l’électrification des transports et l’approvisionnement de l’énergie.

L’histoire d’un parcours du Saguenay à Québec, en passant par la découverte d’une passion

AL13 : Tu habites Québec depuis maintenant de nombreuses années mais tu es un gars du Saguenay, plus précisément de Saint-Ambroise. Est-ce que tu pourrais nous raconter dans quel milieu tu as grandi?

Louis Tremblay (LT): Moi comme ma famille on est bien simple. Mon père a travaillé toute sa vie pour Alcan jusqu’à sa retraite, en 2009. J’ai grandi à St-Ambroise et c’est là que j’ai ouvert ma première compagnie, qui était dans le design de vêtements de snowboard. J’avais 11 ans et je dois avouer que cette compagnie n’a pas marché « pantoute » ! Blague à part, ce que j’ai appris, c’est que quand tu veux faire quelque chose, que ce soit dans le sport ou dans les affaires, la passion doit être au rendez-vous, rien de nouveau, mais il faut aussi que l’énergie soit de l’aventure. Changer le monde, c’est tough. Tout le monde n’est pas prêt à consacrer l’énergie qu’il faut pour le faire.

AL13 : Ça ne prend pas seulement des convictions?

LT : Ça prend du travail jour après jour, après jour. « Focus, focus, focus »

Céline Normandin, journaliste pour le magazine AL13. Crédits photo : Jean Rodier

AL13 : Ça veut dire que tu t’entoures de gens avec qui tu partages les mêmes valeurs?

LT : On a une équipe de direction diversifiée, mais on se ressemble pour le côté entrepreneurial et les valeurs qui nous habitent. C’est bon parce qu’on veut tous aller dans la même direction.

La culture et les valeurs d’entreprise de FLO me ressemblent beaucoup.

AL13 : Si on revient à ton parcours, qu’est-ce qui t’as mené à t’inscrire en génie électrique et à étudier à Québec?

LT : J’ai toujours dit que je voulais aller dans la grande ville. Finalement, je ne suis pas allé plus loin que le Parc (la Réserve faunique des Laurentides). Depuis ma première entreprise, j’étais convaincu que je voulais travailler pour moi parce que j’aime repousser mes limites. J’ai toujours eu une tête de cochon. Même si je peux donner l’impression de faire plusieurs choses à la fois, mon idée fixe reste d’accélérer l’adoption du véhicule électrique. Je tape sur le clou jusqu’à la fin.

Mon père a étudié en électrotechnique et quand j’étais jeune, je jouais avec des circuits électroniques et avec des batteries. Ça m’a toujours intrigué qu’une aussi petite boîte puisse faire autant de choses. Je me suis rendu compte que j’avais une affinité avec les gens de technique. J’aimais comprendre comment les choses étaient faites. J’adore aussi ce qui est logique. Je suis très cartésien même si je me fie aussi à mon instinct, aux émotions.

J’ai étudié à l’Université Laval en génie électrique et je vous avoue que je n’ai pas aimé ça la première année. Je me suis posé la question à savoir si j’étais à la bonne place.

En 2004, je suis allé voir la formule SAE (course crée en 1981 pour les étudiants en génie  fondée par la Society of Automobile Engineers) et je leur ai demandé si un ingénieur électrique pouvait participer. J’étais déjà conscientisé à l’impact des êtres humains sur la planète depuis le protocole de Kyoto, en 1997. C’est là que j’ai décidé de bâtir un véhicule électrique et que ma passion a débuté. J’ai eu la piqure.

« Même si je peux donner l’impression de faire plusieurs choses à la fois, mon idée fixe reste d’accélérer l’adoption du véhicule électrique. Je tape sur le clou jusqu’à la fin. » – Louis Tremblay. Crédits photo : Jean Rodier

À cette époque-là (2004-2007), il existait des préjugés sur les véhicules électriques. Les gens pensaient plus aux performances des karts de golf, rien de très excitant malheureusement. Les gens ne voyaient pas le potentiel des nouvelles batteries, leur puissance, leur densité énergétique : tout était là pour créer un produit supérieur aux véhicules à combustion.

En 2006, c’est là qu’on a eu l’idée de déployer une infrastructure de recharge en réseau à l’aide, de logiciels et de bornes de recharge, qui permettrait aux gens de se recharger à la maison, au travail et sur la route. J’étais convaincu, avec les progrès de capacité des batteries lithium-ion et les prévisions de marchés, qu’on serait en mesure d’augmenter grandement l’autonomie. La clé de l’adoption des véhicules électriques serait le déploiement d’une infrastructure de recharge fiable qui permettrait d’offrir une expérience de ravitaillement supérieur à celle des véhicules actuels.

J’ai poursuivi à la maîtrise, toujours à l’Université Laval, sur le thème de la recharge ultra rapide. Avec le cofondateur de FLO, Michael Desjardins, nous avions l’objectif de faire un prototype de borne de recharge ultrarapide. On a déniché du financement à l’université pour notre preuve de concept, et en parallèle, nous avons développé nos premières bornes standards (borne de niveau 2, recharge lente) et le cloud de gestion de réseau en collaboration avec la société Gentech. Nos toutes premières ventes sont venues de ce côté-là.

AL13 : Bien que tu sois aussi un passionné de voitures, le sujet du réchauffement climatique te stimule tout autant.

LT : Je suis réellement un passionné de voitures. Le réchauffement climatique m’a tout autant interpellé puisque c’est un défi énorme. J’ai toujours aimé les gros défis. Plus gros est le défi, plus je suis capable d’y dédier beaucoup d’attention.

Quand j’ai commencé à toucher aux véhicules électriques, ma passion pour l’innovation, pour l’entreprenariat et mon désir d’avoir un impact sur la planète se sont rencontrés et j’ai longtemps pensé que j’allais créer un véhicule électrique. Je cherchais à créer une business viable qui aurait un impact concret. C’est dans ces années-là que tout s’est consolidé.

AL13 : Tu aurais pu devenir un autre Elon Musk?

LT : Je suis en train de lire sa biographie et j’ai énormément de respect pour lui. Ce qui me ressemble, c’est le « why » – le pourquoi.  La raison pour laquelle on fait les choses et pourquoi on veut changer le monde, c’est primordial pour moi.

Le « how » – le comment – est tout aussi important pour moi, et je crois que c’est là que mon approche est différente. J’aimerais démontrer qu’on peut bâtir des entreprises en étant une meilleure version de nous-mêmes, à chaque jour. Je ne crois pas l’expression qui veut que « la fin justifie les moyens ». Avec la pression, c’est très important de pouvoir retourner toujours à mes valeurs, de pouvoir compter sur une équipe solide qui est alignée avec les objectifs humains et les valeurs d’entreprise pour guider mes actions et mes décisions.

De l’importance de l’équipe, des valeurs centrées sur l’humain et d’un but commun dans la direction pour assurer le succès de l’entreprise.

AL13 : Le Québec regorge de bonnes idées, mais peu franchissent avec succès l’étape de la commercialisation. Est-ce que c’est ta détermination qui explique le succès de FLO?

LT : Il y a, à la fois, des choses que j’ai faites qui m’ont permis de me rendre où je suis et le marché qui était rendu là, comme la batterie lithium-ion. Pour avoir discuté avec beaucoup de PDG, c’est souvent une question de focus. Certains aiment inventer, d’autres aiment en parler et d’autres aiment faire. Dans mon cas, j’aime faire, faire vraiment, c’est une des choses qui m’énergise le plus. Autant j’aime poser des questions quand je visite une usine, autant j’aime comprendre comment mes équipes fonctionnent, et j’aime surtout comprendre comment on peut toujours faire mieux.

AL13 : Comment expliquer un succès aussi retentissant en si peu de temps, parce qu’il s’est écoulé un peu moins de 15 ans depuis la création de FLO?

LT : Le succès vient de la force de l’équipe! Tu as la chance d’embaucher du monde dans ton organisation qui contribue à ton projet. Une des choses que je fais bien, en toute humilité, c’est de m’entourer des bonnes personnes. Je peux prendre l’exemple de Nathan Yang, notre vice-président et chef de la direction des produits. Il travaille à Austin, au Texas : c’est une machine. En termes d’innovation de design de produits, il est plus complet que moi. Dans ce domaine, il peut amener l’entreprise plus loin, c’est pourquoi je suis allé le chercher. C’est le seul candidat que j’ai rencontré pour le poste il y a trois ans. L’important, c’est de trouver la bonne personne pour chaque rôle! Mon mode d’opération est d’engager des gens beaucoup plus compétents que moi, dans les différents secteurs, et de m’assurer d’avoir la bonne culture et la bonne dynamique d’équipe. Quand il y a un problème, on peut le ramener à notre niveau. Chez FLO nous sommes une équipe de près de 600 employés, qui travaillent ensemble vers les mêmes objectifs, avec le même état d’esprit et la même culture, c’est ce qui fait notre force.

AL13 : Comment est-ce que tu te positionnes par rapport aux employés et toute l’équipe ? 

LT : Louis, fondateur, j’aime ça. Je n’aime pas le vouvoiement ni le monsieur Tremblay. Pour moi, ce sont des voiles, des strates.

Je suis un gars familier. Autant je veux être sur le même pied d’égalité sur le statut, autant je me permets de challenger toutes les équipes de mon entreprise. J’en attends de même de chacun, tout le monde peut et doit contribuer.

AL13 : FLO fait autant la conception, l’assemblage que la distribution, sans compter le service à la clientèle. En même temps, vous avez réussi à aller chercher du financement provenant de fonds d’investissement et des gouvernements. Comment y arrivez-vous?

LT : Le trois-quarts de nos ingénieurs travaillent sur des logiciels pour les produits. Notre but est d’accélérer l’adoption du véhicule électrique en offrant la meilleure expérience de recharge. Si on a besoin d’aller chercher 235 millions de dollars à la Banque de l’infrastructure du Canada (BIC) pour déployer nos propres bornes parce qu’on se rend compte qu’à beaucoup d’endroits (éduqué par les données d’utilisations de notre réseau), il pourrait y avoir de la recharge et une meilleure expérience et, qu’en plus, ce sont les endroits les plus rentables, on va le faire. Si on a besoin de développer une application mobile pour amener une intégration entre le logiciel et la borne et bien connecter les manufacturiers automobiles, on va le faire. Tout ce qu’il faut pour livrer notre mission!

On travaille sur le « why ». Qu’importe ce qu’il faut faire, on va le faire. Il n’y a rien qui est trop difficile. Le fait qu’on le fasse nous-mêmes, qu’on le comprenne, qu’on se challenge, qu’on échange des idées, c’est ça qui nous avantage.

AL13 : Le fait que vous soyez impliqué du début à la fin aide beaucoup…

LT : C’est pourquoi on gagne aujourd’hui des partenaires comme GM, Nissan ou la ville de New York. Ils se rendent compte de la différence, de la qualité de l’expérience qu’on offre, année après année.

« Qu’importe ce qu’il faut faire, on va le faire. Il n’y a rien qui est trop difficile. Le fait qu’on le fasse nous-mêmes, qu’on le comprenne, qu’on se challenge, qu’on échange des idées, c’est ça qui nous avantage. » – Louis Tremblay. Crédits photo : Jean Rodier.

AL13 : FLO s’est classé au 273e rang des entreprises en plus forte croissance dans le classement nord-américain des Fast 500 de Deloitte en 2021. Tu avais alors déclaré que la croissance s’expliquait par la qualité des produits. Pour toi, la qualité du produit est primordiale pour que les gens l’adoptent?

LT : Quand on parle d’expérience, on réfère à la pyramide de Maslow : du côté produit, il faut premièrement que ça fonctionne, et que ce soit fiable, mais ce n’est que le début. Après, on peut amener l’expérience jusqu’à « merveilleux ». Il y a moyen de mettre du tangible là-dessus. Sans oublier de garder un œil sur le budget et investir aux bons endroits. Par exemple, on ne fabrique pas nos propres boitiers. On les sous-traite à des gens qui le font mieux, mais on veut que ça fonctionne en bout de ligne.

Le développement d’un réseau qui passe par une utilisation intelligente des ressources, où qu’elles soient.

AL13 : Tu as collaboré avec le CQRDA pour intégrer l’aluminium à la borne?

LT : J’aime beaucoup l’aluminium.

Dès le début, l’aluminium a été un matériau de choix dans les bornes en raison de nos conditions climatiques et des caractéristiques de ce matériau. L’aluminium est aussi recyclable à vie et on en a de l’aluminium au Québec. J’étais un peu biaisé par mes origines, mais je crois beaucoup à ce matériau. Dès qu’on peut éviter le plastique, on le fait.

AL13 : L’aluminium est utilisé dans quelles composantes et représente quel pourcentage des bornes?

LT : Tout l’ensemble du boitier est composé en aluminium. Ça dépend des bornes et des produits, mais que ce soit la structure mécanique, l’esthétisme, ou les deux, tout est en aluminium. Pour certains produits, on est obligé d’aller vers d’autres matériaux pour demeurer compétitif, mais notre matériau de prédilection, c’est l’aluminium. On a toujours essayé de favoriser le matériau jusqu’à la limite de la physique et des coûts.

AL13 : FLO ne construit pas de batterie, seulement des bornes?

LT : Nos prochaines bornes ultrarapides peuvent se connecter directement à une batterie. Les batteries peuvent avoir comme source d’énergie n’importe quel fournisseur qui fait du stockage.

Je crois qu’on va voir des innovations au niveau des batteries dans les prochaines années. La batterie est au véhicule électrique ce que le moteur à combustion est au véhicule à essence.

Toute la chaine de production se met en place pour s’assurer d’avoir les ressources au bon endroit. Selon moi, Au Québec, il y aura beaucoup d’améliorations, que ce soit au niveau de la recharge sans fil ou des véhicules autonomes et on sera là pour offrir la recharge. Cette recharge pourra être robotisée, sans fil ou livrée en une fraction de seconde.

Il y aura un impact grandissant sur le réseau mais les logiciels peuvent aider. Un véhicule, c’est stationné (connecté) de 20 à 24 heures. Si on les connecte tous, on aura accès à la plus grosse batterie jamais vue sur le réseau électrique. C’est là que FLO peut ajouter encore de la valeur pour les réseaux électriques. En 2004, je disais que le véhicule électrique va être la plus grande menace pour le réseau électrique ou le plus grand allié. On s’organise pour que ce soit la deuxième option.

Une délégation du CQRDA était présente (Nathalie Ménard, adjointe exécutive et Daniella Ramangalahy, chargée aux communications) lors de la Grande entrevue de Louis Tremblay, accompagnée de l’équipe de FLO (Julie Emond Langlois, conseillère principale communications internes et corporatives). Crédits photo : Jean Rodier

AL13 : On se dirige vers un réseau intelligent qui livre l’électricité où se trouvent les besoins?

LT : Hydro-Québec a besoin d’énergie dans des périodes de pointes. Nous, on peut ralentir la recharge pour les aider : on appelle ça un virtual power plan (VPP). C’est en somme une centrale hydroélectrique virtuelle. Au lieu de donner plus d’énergie, on peut diminuer la consommation, comme baisser le chauffage temporairement, pour passer les pointes de consommation. Il n’y a aucune limite au concept : on peut le faire de manière variable, selon les enjeux du réseau, tant que les conducteurs ont leurs véhicules rechargés et que cela ne nuit pas à leur expérience de recharge.

Pour les déplacements au travail, qui représentent la deuxième plus grande source de demande, il y a moyen de recharger tout le monde sans aucun problème avec un peu d’intelligence dans les stationnements.

AL13 : Le gouvernement Legault a inauguré La Romaine dernièrement et le Québec parle de construire de nouveaux barrages électriques pour suffire à la demande. On n’aurait donc pas nécessairement besoin de plus d’énergie en utilisant le réseau des véhicules électrique? Est-ce que le Québec a suffisamment de ressources pour répondre à la demande qui augmente?

LT : Les défis au Québec, versus le reste de l’Amérique du Nord, ne sont pas les mêmes, mais il y a aussi des similitudes. Nous avons la chance d’avoir une source d’énergie très fiable, mais en même temps il faut penser différemment à l’avenir énergétique du Québec avec ce qui est possible aujourd’hui. Il est impératif de développer le réseau en prenant en compte les éléments distribués (répartis sur le territoire) tel que les bornes de recharge pour augmenter la fiabilité et la résilience de nos infrastructures énergétiques.

La plupart des véhicules sont utilisés au même moment et les véhicules en général sont stationnés. Je dis souvent qu’on ne peut pas comparer la recharge à essence et la recharge électrique parce que dans le cas des véhicules à essence, on fait le plein une fois à par semaine ou aux deux semaines. Il existe des pointes de demandes mais elles varient selon la saison et l’heure du jour. Le logiciel peut nous permettent de maximiser nos ressources.

AL13 : Les gouvernements investissent plus que jamais pour décarboner les transports et l’économie, que ce soit ici, au Canada et aux États-Unis. En même temps, FLO a réussi à ouvrir son usine au Michigan et à doubler la capacité de son usine à Shawinigan, malgré la pandémie. Est-ce que le contexte est favorable à une réduction des émissions de GES ? 

LT : On est à un point d’inflexion en ce moment pour le véhicule électrique. Les manufacturiers automobiles travaillent à atteindre un volume mais ont des défis de demande qui commencent à se résorber. Il faut qu’ils vendent leurs véhicules dans un contexte plus compétitif! Tant mieux, maintenant le consommateur a le choix, il peut se permettre de magasiner. Je dirais que l’effet boule de neige est lancé. On est dans un contexte parfait pour nous parce qu’on a de bonnes solutions, on a un marché qui croit dans une industrie qui prend de la maturité.

Ce qu’on fait depuis 15 ans c’est offrir un service de recharge fiable et on améliore l’expérience. Plusieurs de nos compétiteurs ont des difficultés à ce niveau. Comme je l’ai dit plus tôt, les prochaines années vont démontrer notre succès. Ce n’est que le début!

Les projets d’avenir de FLO et de Louis Tremblay, en passant par l’Alaska jusqu’au Texas, et davantage éventuellement.

AL13 : Vous êtes les premiers au Canada en tant qu’opérateur de réseau de recharge?

LT : Premier au Canada et troisième en Amérique du Nord. On a atteint la barre des 100 000 bornes fin octobre. Le territoire couvert par notre réseau va de Fairbanks en Alaska jusqu’au Texas, en passant par Los Angeles et New York.

AL13 : Et le Mexique?

LT : On se concentre présentement sur le Canada et les États-Unis. On démontre la viabilité de notre modèle d’affaires dans cette partie de l’Amérique du Nord.

AL13 : La croissance de FLO passe par les États-Unis?

LT : Oui bien sûr. La croissance de FLO passe par les États-Unis. Au Canada, on a des parts de marché qui sont énormes. Aux États-Unis, l’an dernier, nos ventes représentaient 10-15 % et, cette année, notre chiffre d’affaires sera de 20-25 % au sud de la frontière. Tous cela alors que notre croissance annuelle est de 60-70 % année après année, après année. Directionnellement, on souhaite se maintenir au Canada à la croissance de notre marché, mais les États-Unis représentent un marché qui est énorme et en pleine expansion, et où nous sommes donc en gain de parts de marché.

AL13 : Et l’Europe éventuellement?

« Quand on déploie des infrastructures, il faut que ça fasse du sens avec le reste. On veut absolument avoir la possibilité d’être présent où il y a du trafic et faire en sorte que l’expérience soit optimale pour l’utilisateur. » – Louis Tremblay. Crédits photo : Jean Rodier

LT : Pas pour l’instant. On veut vraiment démontrer notre modèle d’affaires. D’ici à peine deux ans, on va atteindre des jalons importants au niveau financier et il faudra se demander ce qu’on veut faire pour augmenter encore la croissance : rentrer davantage dans les flottes de gros véhicules, aller au Mexique, en Europe? Le faire organiquement ou acheter des entreprises? Mon but est de demeurer en position de créer de la valeur pour les actionnaires pour que ce soit rentable et générer de l’argent. Après, est-ce que j’en veux encore plus? La croissance, c’est le seul état d’esprit que je connais et je veux le maintenir mais il faut aussi satisfaire ses actionnaires. Et ce, sans jamais perdre de vue notre « why » et notre « how »!

AL13 : Quelles sont les prochaines étapes pour FLO dans les prochaines années?

LT : On a annoncé la borne de recharge ultrarapide FLO UltraMC en février 2023. On s’apprête à la livrer à partir du printemps 2024 et à déployer ces infrastructures de recharge. La demande aux États-Unis est de plusieurs milliards de dollars, principalement pour ce produit. On va surfer sur ce nouveau segment de marché. En octobre dernier, on a conclu une entente avec La Banque de l’infrastructure du Canada pour déployer près de 2 000 ports de recharge ultrarapide partout au Canada. Les bornes et le réseau nous appartenant, 100 % des revenus nous reviendront. Et avec toutes les bornes vendues dans les 15 dernières années, on a accès à des données qui nous permettent de déterminer où les mettre, pour qu’elles soient rentables oui, mais aussi pour quelles desservent nos clients, là où ils en ont besoin.

AL13 : Comment se dessine l’avenir de FLO?

LT : Notre objectif est de continuer de déployer notre réseau, que ce soit en vendant des bornes résidentielles, de même que des bornes de recharge lente que l’on appelle des bornes de destination (centre d’achat, au travail, etc.) et des bornes de recharge rapide et ultra rapide comme FLO UltraMC, tout en étant capable de déployer nos propres bornes lorsque l’utilisation justifie le déploiement de notre capital. Quand on déploie des infrastructures, il faut que ça fasse du sens avec le reste. On veut absolument avoir la possibilité d’être présent où il y a du trafic et faire en sorte que l’expérience soit optimale pour l’utilisateur.

AL13 : Est-ce que le poste de PDG devient plus solitaire à mesure que l’entreprise grossit parce qu’au final, c’est toi qui prends les décisions?

LT : Rétrospectivement, je vis bien avec les décisions qui ont été prises. Encore une fois, le « why » et le « how » sont toujours importants. Ça arrive parfois que de vieilles décisions viennent me hanter mais il faut faire attention de ne pas avoir de regrets. Il est toujours facile de revisiter d’anciennes décisions avec les connaissances du présent.

Quand on avance vite, il faut apprendre à vivre en sachant que nous allons faire des erreurs. L’important c’est d’être en mesure de se retrousser les manches face aux défis ensemble. On perd et on gagne en équipe à chaque jour, l’important c’est de toujours continuer à avancer vers notre mission, et cela, toujours en étant en adéquation avec nos valeurs.

AL13 : Est-ce que tu as des regrets?

LT : On regrette ce qu’on n’a pas fait, pas ce qu’on a fait. Nos erreurs nous permettent d’être de meilleures personnes quand on apprend de celles-ci. Ainsi, je n’ai pas de regrets.

AL13 : Et ta plus grande satisfaction jusqu’à maintenant?

LT : D’être en phase avec ce que je prône. Je suis encore sur mon X. Il y a des moments où c’est plus challengeant, mais ma femme, qui me connait mieux que personne, me ramène. Mes enfants grandissent et c’est super intéressant d’échanger avec eux, il m’apprenne la sagesse, en me gardant honnête par rapport à l’une des plus grandes vérités : ils font ce que nous faisons, pas ce qu’on dit. Les bottines doivent suivre les babines comme on dit! Si un jour mon « why » et mon « how » ne sont plus en symbiose, je fais confiance aux gens que j’aime pour m’aider à changer la dynamique.

AL13 : Tu as déjà participé à l’émission télé Les Dragons. Est-ce que tu as envie d’investir dans de jeunes entreprises et de donner au suivant en faisant bénéficier d’autres de ton expertise?

LT : J’aime beaucoup aider. Depuis deux ans, je mentore une entreprise et je l’aide. J’aimerais bien, un jour, pouvoir donner au suivant d’une manière différente et plus substantielle que ce que je fais maintenant. Chaque chose en son temps.

AL13 : Est-ce que tu aurais des conseils à donner à des gens qui veulent débuter?

« Mon expression : ne subis pas ta vie (don’t witness your life). Ça veut dire, à un moment donné, arrête d’en parler, fais-le. » – Louis Tremblay. Crédits photo : Jean Rodier

LT : Mon expression : ne subis pas ta vie (don’t witness your life). Ça veut dire, à un moment donné, arrête d’en parler, fais-le. Travaille tous les jours de l’année s’il le faut, mais fais-le. Je te promets que même si tu rencontres l’échec, le pire sera d’apprendre, tu n’auras aucun regret!

AL13 : Où sera FLO dans dix ans?

LT : Plus qu’en Amérique du Nord, j’en suis pas mal convaincu. Je ne sais pas quel océan on aura franchi, ou peut-être tous. J’ai toujours un vieux rêve de Saguenéen. J’espère être capable de créer une entreprise qui aura toujours des racines à Québec, au Québec et au Canada. J’ai de très bons actionnaires qui, si je suis capable de livrer la marchandise, pourront être avec moi à long terme. J’ai plusieurs actionnaires qui aimeraient voir encore de grands succès, comme celui qu’a connu Serge Godin (fondateur et propriétaire de CGI), et mon but est de ne pas les décevoir!

AL13 : L’avenir de FLO passe par le Québec?

LT : Définitivement.

Céline Normandin (AL13), Daniella Ramangalahy (CQRDA), Gilles Déry (CQRDA), Louis Tremblay (FLO) et Nathalie Ménard (CQRDA). Crédits photo : Jean Rodier.