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par Céline Normandin

Même si l’utilisation du vélo a connu des sommets durant la pandémie, les fabricants ont eu peine à surfer sur cette vague en raison des problèmes d’approvisionnement. Ils doivent maintenant négocier un tournant vers des périodes plus calmes où d’autres défis les attendent.

Les manufacturiers de vélos à travers le monde poussent sans doute un grand soupir de soulagement cette année après trois années mouvementées. La pandémie a lancé une grande course aux activités de loisir à l’extérieur, les rassemblements et les activés à l’intérieur étant interdits. Cette frénésie s’est emparée du secteur des vélos, ce qui a fait en sorte que  les boutiques et détaillants ont littéralement été dévalisés durant cette période.

Selon Vélo Québec, il se serait d’ailleurs vendu 950 000 vélos (enfants et adultes) en 2020 alors que la moyenne était d’environ 600 000 depuis 20 ans. L’organisme rapporte aussi que le parc vélo au Québec s’élevait à cette date à 7,2 millions de vélos, soit une augmentation de 20 % par rapport à 2010. « La pandémie a augmenté la masse des utilisateurs », confirme Fred Poulin, représentant de vélos étrangers pour la province.

Au même moment, les fabricants de vélos d’ici et d’ailleurs étaient aux prises avec les mêmes difficultés que tous les autres manufacturiers : problème d’approvisionnement, délais de livraison, hausse des coûts, manque de main-d’œuvre, interruption des lignes de fabrication et fermeture de certaines usines ou incapacité à trouver de nouveaux partenaires. Tous ces problèmes, jumelés à une forte demande, ont causé une immense pression auprès des fabricants qui ont peine à fournir à la demande.

Survivre après une demande record

Trois ans plus tard, la tendance s’est inversée. On assiste à une année de transition, selon Jacques Sennéchael, le rédacteur en chef de Vélo mag, interviewé alors qu’il revenait tout juste du salon du vélo à Taïwan. Tapei Cycles 2023 était de retour en mars 2023 après trois ans d’arrêt. Il s’agit du plus grand salon professionnel de l’industrie du cyclisme en Asie. On y présente les toutes dernières technologies des entreprises à l’avant-garde de l’industrie.

Le sentiment est partagé de la part des fabricants de pièces et de vélos installés au Québec.

Francis Morin, à la barre de Devinci depuis mars 2020, est bien conscient des défis qui attendent l’entreprise de Chicoutimi. Ayant rapatrié certaines opérations d’Asie, Devinci veut offrir des vélos plus abordables destinés à l’ensemble de la famille.

Crédit photo : Devinci

Deux autres sociétés d’ici, Cargone et MOS racks, comptent lancer officiellement leurs produits cette année après l’interruption causée par la covid. Cargone, qui fabrique des vélos cargo électriques, lance sa première offensive sur le marché, tandis MOS racks peut enfin offrir ses supports à équipements de plein air à un réseau de marchands après plusieurs années de préparation et d’attente.

Crédit photo : Facebook de MOS racks

Mais si 2023 est sous le signe de l’ajustement, il semble que les étoiles soient bien alignées pour le secteur.

Un secteur en transformation

La pratique du vélo n’a pas seulement explosé en une décennie, elle s’est aussi diversifiée. Aux vélos de montagne et de route se sont greffés d’autres types de vélos : les vélos à pneus surdimensionnés (fatbikes), les vélos de gravel, les vélos de libre-service (de type Bixi) et les vélos à assistance électrique. Ce dernier segment représenterait la moitié des ventes de vélos actuellement dans le monde. « Ça va chercher de nouveaux adeptes qui ne sont plus capables de suivre les amis et les voisins comme dans le temps », fait remarquer Fred Poulin.

De l’avis des personnes approchées, le vélo connait de bonnes années et a le potentiel d’en vivre de meilleures encore, en premier lieu, parce que sa pratique s’est décloisonnée « Le vélo est pratiqué de plus en plus jeune, il y a maintenant un côté familial qu’on voyait moins avant. C’est aussi une activité sociale qu’on fait entre amis », illustre M. Poulin.

« Beaucoup de gens se remettent au vélo grâce au vélo électrique qui représente la moitié du chiffre d’affaires dans les nouveautés », ajoute le rédacteur en chef de Vélo mag.

Le Québec et le Canada sont loin d’afficher des chiffres semblables à l’Europe quant à l’utilisation du vélo, mais l’engouement est bel et bien présent ici, comme le prouve les chiffres sur les ventes, publiés par Vélo Québec.

Pandémie et écologie comme facteurs de changement

La pandémie a aussi accéléré un mouvement en marche. M. Sennéchael rappelle que c’est un événement externe, la crise énergétique, qui a poussé les Pays-Bas à inciter l’utilisation du vélo, devenu depuis un chef de file dans la pratique du vélo.

La pandémie a joué le même rôle de catalyseur : les gouvernements en Europe ont multiplié les incitatifs financiers pour que les gens enfourchent de nouveaux leurs vélos, en incitant par exemple la réparation de la bécane qui trainait dans le cabanon. Même des pays où les voitures sont reines, comme les États-Unis, ont voté des lois favorisant l’achat de vélos électriques.

Et au salon du vélo de Taïwan, la présidente du pays,  Tsai Ing-wen s’est déplacée en personne pour ouvrir officiellement l’événement, un message fort que la fabrication, mais aussi l’usage du vélo reçoit l’assentiment des autorités, fait remarquer Jacques Sennéchael.

La crise climatique a quant à elle amorcé une réflexion sur l’usage des produits fossiles et sur les alternatives. Dans cette perspective, le vélo apparait comme une solution à bien des maux.

La cyclologistique, ou logistique du dernier kilomètre réalisé à vélo, est en plein essor dans de nombreuses villes à travers le monde. On livre ainsi des marchandises allant du simple courrier aux colis les plus volumineux (plusieurs centaines de kilos!). À Montréal, un projet appelé Colibri et lancé depuis 2019 compte réaliser 500 000 livraisons en 2023.

Faire suivre les infrastructures

Pour finir, la pratique du vélo doit pouvoir compter sur des routes cyclables. Au Québec, la popularité du sport a été encouragée par la création d’infrastructures, telles que la Route verte ou les pistes cyclables, telles que le Réseau express vélo (REV). M. Poulin mentionne que de nombreuses pistes de vélo de montagne ouvertes dans les dernières années dans la province n’ont rien à envier aux pistes du nord-est des États-Unis, auparavant la destination de choix pour la pratique de ce sport. Devinci est d’ailleurs un partenaire dans plusieurs initiatives de ce genre.

M. Sennéchael rappelle que si des infrastructures sont construites, la pratique du vélo suivra, comme le montre les statistiques. « Le vélo est la solution à bien des problèmes. Malgré les difficultés dans les trois dernières années, ça ne peut qu’aller de l’avant. »