par Guy Bordeleau, ing., M. Sc.
Dans un contexte de bouleversements commerciaux récurrents, le leadership prend tout son sens. Alors que les États-Unis imposent périodiquement des tarifs douaniers sur les exportations canadiennes d’aluminium, menaçant la stabilité d’un secteur clé, de nombreuses entreprises se trouvent confrontées à l’urgence de redéfinir leurs pratiques. Ces tumultes économiques ne laissent plus place à l’improvisation : ils exigent des réponses claires, rapides et efficaces. Dans un tel climat d’incertitude, ce sont les leaders d’entreprise — gestionnaires, dirigeants et cadres — qui doivent faire preuve de discernement stratégique. Le contexte actuel les oblige à exercer un leadership lucide et structurant, capable d’inspirer la résilience et de tracer une voie durable pour leur organisation.
Mais qu’en est-il de ce leadership dont on fait si souvent référence, parfois à tort, et dont on attend tant dans les moments de turbulence? Le mot est partout : dans les discours d’affaires, les plans stratégiques, les formations, les conseils d’administration… Mais sait-on vraiment ce qu’il recouvre ? Ne risque-t-on pas, à force de le galvauder, d’en vider la substance ? Il ne suffit pas d’occuper une fonction élevée pour être un leader. Le véritable leadership ne se décrète pas, il se reconnaît à sa capacité à mobiliser, à inspirer et à guider dans l’action.
Classiquement, le leadership se définit comme la capacité d’un individu à mener ou à conduire d’autres individus ou organisations dans le but d’atteindre certains objectifs.
On dira alors qu’un leader est celui ou celle qui, par sa vision, son intégrité et sa posture, parvient à influencer positivement les dynamiques humaines. Cela peut prendre des formes diverses selon les contextes, les cultures ou les enjeux, mais au cœur du leadership véritable, on retrouve toujours un même moteur : la capacité à mobiliser les ressources d’un groupe, humaines autant que structurelles, en vue d’un objectif collectif clair et porteur de sens. Mais au-delà de cette généralité, il convient d’explorer plus en détail les multiples visages du leadership et de comprendre pourquoi, aujourd’hui plus que jamais, il représente une compétence vitale pour toute organisation.
Il existe de nombreux types de leadership[1], chacun avec ses propres avantages et inconvénients. Mais il est possible d’en dégager cinq formes généralistes qui se résument de la manière suivante :
-
Le leadership autocratique : Dans ce type de leadership, une seule personne détient le pouvoir et la prise de décision. Les subordonnés n’ont pas leur mot à dire, ils doivent simplement exécuter les ordres. Ce type de leadership peut être efficace dans les situations d’urgence où des décisions rapides doivent être prises.
-
Le leadership démocratique : Dans cette catégorie, le leadership démocratique implique la participation des subordonnés dans la prise de décision. Le leader encourage les membres de son équipe à donner leur avis et à participer activement à la résolution des problèmes. Ce genre de leadership peut être efficace pour encourager l’engagement et la créativité des membres de l’équipe.
-
Le leadership laisser-faire : Dans cette posture de leadership, la personne responsable donne une grande liberté aux membres de son équipe pour prendre des décisions et gérer leurs tâches respectives. Ce type de leadership peut être efficace pour les équipes hautement qualifiées qui n’ont pas besoin d’une supervision étroite.
-
Le leadership transformationnel : Ici, le leader inspire et motive les membres de son équipe à se dépasser et à atteindre leur plein potentiel. Ce type de leadership peut être efficace pour encourager l’innovation et la créativité.
-
Le leadership transactionnel : Les membres de l’équipe reçoivent des récompenses ou des sanctions en fonction de leur performance. Ce genre de leadership peut être efficace pour les équipes qui travaillent avec des objectifs clairement définis.
Au-delà de ces définitions, il existe toutefois une forme de leadership dont on parle peu, mais qui est bien connue de ceux qui exercent les rôles de direction : le leadership de confrontation. Il se caractérise par une approche directe, parfois agressive, visant à résoudre les problèmes rapidement, souvent dans des contextes de crise. Ces leaders tendent à imposer leur vision sans compromis, utilisant des leviers de persuasion forts, voire intimidants. Bien que parfois nécessaire, ce style peut avoir des conséquences délétères sur la dynamique d’équipe. L’exclusion des points de vue, la pression constante et la polarisation peuvent miner la motivation, créer des fractures internes, et nuire à l’efficacité globale de l’organisation.
Le film américain Crimson Tide, réalisé par Tony Scott en 1995, illustre bien cette tension. On y assiste à un affrontement entre le commandant du sous-marin Alabama (Gene Hackman) et son second (Denzel Washington). Ce conflit de leadership est finalement tranché en cour martiale, qui conclut que les deux hommes avaient, à la fois, raison et tort. Une démonstration puissante de la complexité du commandement en situation critique.
Combien de fois assiste-t-on à de telles situations de désaccords entre un directeur et un PDG ? Bien plus souvent qu’on ne le pense. Ces différends, parfois feutrés, parfois éclatants, surgissent lorsque les visions stratégiques divergent, que les enjeux de pouvoir s’entrechoquent ou que les pressions externes exacerbent les tensions internes. Lorsqu’aucune posture d’écoute mutuelle ne s’installe pas, ces affrontements peuvent rapidement dégénérer en luttes d’influence stériles, nuisant à la cohésion du leadership et à la fluidité de la gouvernance. Comme dans Crimson Tide, où deux officiers d’exception s’opposent avec détermination et intégrité, ces conflits ne reposent pas forcément sur de mauvaises intentions, mais sur des perceptions différentes de ce qui est juste, urgent ou prioritaire. Les conséquences, si elles ne sont pas maîtrisées, peuvent être lourdes : démobilisation des équipes, paralysie décisionnelle, perte de crédibilité, voire érosion de la confiance des partenaires. Dans un environnement économique aussi imprévisible que le nôtre, ces failles au sommet peuvent mettre en péril la capacité même d’une organisation à répondre aux défis extérieurs.
Au final, il revient à chaque leader de trouver le style de leadership qui lui permettra d’obtenir les meilleurs résultats pour l’organisation, tout en préservant la cohésion et l’intégrité de son équipe. C’est dans l’équilibre entre fermeté, écoute et vision que se construit une direction réellement inspirante et résiliente.
____
AUTEUR :
Guy Bordeleau, ing., M. Sc.
Agent de développement recherche et innovation | Mauricie et Centre-du-Québec
Centre québécois de recherche et de développement de l’aluminium
RÉFÉRENCES
[1] Duchesne, J.F., Breton, R., Leadership en situation d’exception, Éditions Yvon Blais, 2020, 330 pages. ISBN: 9782897305628