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par Alexandre d’Astous

L’industrie de l’aluminium peut être partie prenante du virage vers une économie circulaire prônée par de plus en plus d’intervenants au Québec dans le contexte de la décarbonation et de la lutte aux changements climatiques.

Le conseiller principal en économie circulaire à la Cité de l’innovation circulaire, Ugo Forcier. (Photo courtoisie)

Un pôle de l’économie circulaire est en train de se développer à Victoriaville autour de la Cité de l’innovation circulaire et durable qui permettra à la région des Bois-Francs de devenir la première économie circulaire au Canada.

Pour bien comprendre les enjeux, il faut d’abord définir l’économie circulaire. Pour le conseiller principal en économie circulaire à la Cité de l’innovation circulaire, Ugo Forcier, la meilleure façon d’expliquer l’économie circulaire, c’est de partir de son contraire, l’économie linéaire dans laquelle pour consommer et produire des biens, on extrait des ressources des milieux naturels pour les transformer et en faire des produits qu’on consomme et qu’on jette à la fin de leur vie.

« L’économie circulaire, c’est le contraire. On peut imaginer une boucle où nous avons moins de ressources qui sont extraites de la nature et moins de déchets à la fin. Il y a plein de stratégies que nous pouvons déployer. On peut recycler les matières en fin de vie. On peut mieux concevoir les produits pour qu’ils nécessitent moins de matière et qu’ils durent plus longtemps. On peut trouver plein de nouveaux modèles d’affaires pour partager les produits et les matières. Il y a une douzaine de stratégies en économie circulaire dont l’objectif final est de réduire la quantité de ressources que l’on extrait et de réduire la quantité de déchets », explique le spécialiste.

De la place pour l’aluminium

Ugo Forcier assure que l’industrie de l’aluminium peut s’inscrire dans un modèle d’économie circulaire. « Le gros avantage de l’aluminium, c’est que c’est un matériau recyclable à 100 %. Une fois qu’il est extrait et transformé, il peut être recyclable à l’éternité. Quand on parle d’extraire moins de matière des mines, l’aluminium cadre parfaitement en raison de son potentiel de recyclabilité et de sa durabilité ».

M. Forcier affirme qu’en intégrant de l’aluminium à un produit, il y a de fortes probabilités pour que la durée de vie de ce produit soit allongée. « C’est sûr que l’aluminium a du potentiel pour combattre l’obsolescence programmée », lance-t-il.

Un colloque

En octobre dernier, la communauté industrielle a pris part à la première présentation du colloque « La circularité, un avantage compétitif pour les industriels », qui proposait une programmation adaptée aux réalités ainsi qu’aux défis des petites, moyennes et grandes entreprises en matière d’innovation et d’économie circulaire.

« Nous avons eu 125 participants, dont des entreprises qui sont venues témoigner de comment elles ont embarqué dans le mouvement de l’économie circulaire. Nous nous adressions surtout aux entrepreneurs et aux industriels. Nous avions des gens de Cascades, des gens de Décathlon, de l’agroalimentaire et aussi des intervenants travaillant auprès d’entreprises faisant la transformation de l’aluminium, dont Isabelle Moïse de RECYC-QUÉBEC.

Entente avec la Ville de Bécancour

Une entente de collaboration de trois ans a été conclue au début décembre entre la Cité de l’innovation circulaire et durable et la Ville de Bécancour, la Vallée de la transition énergétique (VTÉ) et la Société du parc industriel et portuaire de Bécancour (SPIPB).

L’objectif est de créer un mécanisme concret pour travailler activement à la réduction et à la valorisation des résidus industriels des usines sur le territoire de Bécancour.

« Dans le cadre de ce partenariat, nous allons accompagner des entreprises du parc industriel de Bécancour pour les aider à adopter des mécanismes et à mieux valoriser leurs résidus. L’Aluminerie de Bécancour en fait partie, tout comme les Produits Laminés Sural Canada qui font notamment des tiges d’aluminium. Nous pourrons être appelés à travailler avec ces entreprises prochainement », mentionne M. Forcier.

Optimisation des opérations

La première chose qu’une entreprise de transformation de l’aluminium doit faire pour amorcer un virage vers l’économie circulaire, c’est l’optimisation de ses opérations. « On essaie alors de réduire les pertes dans le processus de production. On cherche des moyens pour maximiser les intrants de l’usine. On veut faire plus avec moins. D’autres stratégies peuvent s’appliquer lorsque vient le temps de faire un choix de matériau. On parle aussi de recyclage et d’écologie industrielle, un concept qui s’applique lorsque nous avons deux industries qui se partagent des coproduits. Par exemple, que le déchet d’une industrie devienne la matière première d’une autre. Il y a du potentiel à ce niveau pour les entreprises qui font de l’aluminium ». Eccomelt en est un bon exemple, cette entreprise torontoise reconnue en Amérique du Nord, utilise une méthode brevetée de recyclage et de nettoyage non thermique afin de traiter et concevoir son produit phare, les roues en aluminium (alliage A356), avec l’une des empreintes carbone les plus faibles de l’industrie.

L’économie circulaire prend de plus en plus de place

Ugo Forcier souligne que les notions de l’économie circulaire prennent de plus en plus de place dans l’industrie manufacturière. « L’intérêt est là. Les dirigeants d’entreprises veulent savoir comment faire pour s’améliorer. Pour le secteur de l’aluminium, ça commence. Il y a de plus en plus de pression à l’échelle nationale et internationale. Il y a des pays qui se dotent de réglementation pour imposer certains critères environnementaux dans les produits importés ».

M. Forcier estime que les entreprises œuvrant dans le secteur de l’aluminium ont tout intérêt à s’intéresser à l’économie circulaire et qu’elles vont en tirer des avantages concurrentiels. « C’est important d’être en avant du train et de montrer qu’ils sont des pionniers dans le domaine. Je pense qu’il y a des marchés à consolider sur ce plan ».

Encore de la recherche à faire

Quand on lui demande quels sont les principaux défis pour une transition vers une économie plus circulaire, M. Forcier répond qu’il y a encore beaucoup de recherche à faire.

« On connaît les stratégies. On sait ce qu’il faudrait faire, mais ce qu’il fait maintenant savoir, c’est comment on peut le faire. Ça prend une bonne collaboration entre les industries et la recherche. Ce sera un élément essentiel dans les prochaines années. C’est pour cela que nous voulons développer le Centre d’innovation mutualisé en économie circulaire. Le transfert des connaissances et la recherche appliquée sont à mettre de l’avant ».

Des partenaires centraux sont en action, dont le Cégep de Victoriaville. « Nous avons commencé de manière modeste, il y a un an (novembre 2022) et nous venons d’accueillir des gens de l’international à notre colloque. Tout s’est fait rapidement. Cascades nous a ouvert ses portes et Desjardins nous a offert 1,2 M$ parce qu’ils croient à notre projet. La Ville de Victoriaville est aussi derrière nous. On se sent bien appuyé. On sent que les entreprises ne veulent pas manquer le train », lance la conseillère en communication à la Corporation de développement économique Victoriaville et sa région.

Ugo Forcier affirme que c’est la première fois qu’il sent un momentum aussi fort pour l’économie circulaire.

Urgence climatique

Selon le directeur général de Villes et Régions innovantes, Pierre Racicot, l’économie circulaire concerne toutes les entreprises, les organisations et les consommateurs. « Au fil du temps, les humains saturent la capacité des océans, des champs et des forêts à capter le carbone. Il est important de souligner que les entreprises qui redonnent à la nature sa capacité à absorber le carbone, qui réduisent la nécessité d’extraire les ressources et de produire des biens neufs par la récupération des matières résiduelles pour les traiter et les vendre, sont des entreprises d’économie circulaire ».

Les plans de la future Cité de l’innovation circulaire. (Photo courtoisie)