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par Guy Bordeleau, ing., M. Sc.

Dans les années 1950, General Motors (GM) a misé sur l’innovation pour contrer la baisse de popularité des trains aux États-Unis, face à la montée des transports aériens et automobiles.

L’un des projets les plus ambitieux de GM a été l’Aérotrain, un modèle de train ultraléger conçu pour révolutionner le transport ferroviaire. Introduit en 1955 par la division Electro-Motive (EMD) de GM, ce train représentait non seulement une avancée esthétique, mais aussi un exploit technique, notamment par l’emploi massif d’aluminium dans sa conception, un choix audacieux pour l’époque.

Photo crédit : Nate Beal — publié à l’origine sur Flickr sous le nom 1950’s stylin’, CC BY 2.0, [https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3799517]

L’aluminium : un matériau de choix pour la légèreté

La légèreté était au cœur de la conception de l’Aérotrain. GM cherchait à créer un train capable de rivaliser avec la vitesse et l’efficacité des automobiles et des avions. Pour y parvenir, le constructeur s’est éloigné des matériaux lourds traditionnels, tels que l’acier, et a misé sur l’aluminium, un matériau bien plus léger, mais rarement utilisé dans la construction ferroviaire à cette échelle.

L’utilisation de l’aluminium permettait de réduire considérablement le poids total du train, un facteur crucial pour atteindre des vitesses élevées avec une consommation d’énergie réduite. Chaque voiture de l’Aérotrain mesurait seulement 40 pieds de long, soit la moitié de la longueur des conceptions standards de l’époque, et pesait 50 % de moins. Le défi principal résidait dans le fait que l’aluminium, bien que léger, est plus fragile et moins résistant aux déformations que l’acier, compliquant ainsi la conception et la fabrication des voitures et des locomotives.

Cette démarche de GM témoigne de la volonté de l’entreprise de repousser les limites de la technologie pour répondre aux besoins changeants du marché ferroviaire. L’aluminium n’a pas seulement permis d’alléger la structure du train, mais a également joué un rôle clé dans l’aérodynamisme de l’Aérotrain, en accord avec le design épuré qui caractérisait les automobiles GM de l’époque.

Un design inspiré des voitures et des bus GM

En plus des innovations matérielles, GM a fait de l’Aérotrain un symbole de son expertise en matière de design. Les locomotives, appelées EMD LWT12, intégraient des éléments visuels rappelant les cockpits d’avion, une tendance avant-gardiste dans l’industrie automobile. Les voitures passagers étaient conçues sur la base des bus interurbains de la division GMC de General Motors, notamment les modèles Scenicruiser destinés à Greyhound. Ces voitures, avec leurs fenêtres inclinées et leur suspension pneumatique, étaient destinées à offrir un confort de voyage, bien que l’effet fut inverse, entraînant une expérience de conduite rugueuse et instable.

Le concept de couplage semi-permanent entre les voitures, lui aussi inspiré des premiers modèles de trains à grande vitesse, permettait d’accroître l’efficacité énergétique du train. Cependant, malgré ces innovations, les performances de l’Aérotrain n’ont pas atteint les objectifs escomptés. Les locomotives manquaient de puissance et des modifications ont dû être apportées pour limiter leur vitesse maximale à 80 mph (129 km/h), bien en dessous des 100 mph initialement espérés.

Le train ultraléger : une solution trop avant-gardiste ?

Malgré son design futuriste et l’utilisation de matériaux légers, l’Aérotrain n’a pas réussi à s’imposer comme la révolution ferroviaire escomptée. Les performances décevantes des locomotives diesel-électriques, combinées à l’inconfort des passagers, ont rapidement limité son potentiel sur le marché. Pourtant, l’utilisation de l’aluminium et la tentative d’alléger le matériel roulant posent les bases des développements ultérieurs dans le domaine des trains à grande vitesse.

Les premiers essais de l’Aérotrain ont eu lieu entre 1956 et 1958 sur plusieurs lignes ferroviaires, notamment avec Pennsylvania Railroad et New York Central Railroad. Cependant, malgré son apparence élégante et son coût réduit, le train a été progressivement retiré des services réguliers, les opérateurs étant insatisfaits de ses performances globales.

L’aérotrain a la gare Englewood Union, Chicago, 21 avril 1965. Crédit photo : Roger Puta – [https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=44918932]

En définitive, bien que l’Aérotrain n’ait pas réussi à transformer le secteur ferroviaire comme l’avait espéré General Motors, il demeure un exemple marquant d’innovation industrielle et de l’utilisation audacieuse de l’aluminium pour allier légèreté et performance. Ce projet témoigne des efforts de GM pour adapter ses solutions à un marché en évolution rapide, tout en ouvrant la voie à de futures innovations dans la conception de trains.

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 AUTEUR :

Guy Bordeleau, ing., M. Sc.

Agent de développement recherche et innovation | Mauricie et Centre-du-Québec

Centre québécois de recherche et de développement de l’aluminium

guy.bordeleau@cqrda.ca

RÉFÉRENCES

[1] History of the railway. Washington Park and Zoo Railway. Portland, Oregon: Oregon Zoo. Archived from the original on June 1, 2020. Retrieved October 14, 2023.

[2] GM’s « Aerotrain »: History And Operation ». American-Rails.com. Archived from the original on May 13, 2020. Retrieved May 13, 2020.