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par Alexandre d’Astous

Le manque de main-d’œuvre est un phénomène bien présent dans l’industrie québécoise et la démographie indique que la situation n’est pas sur le point de s’améliorer.

Conscient de l’importance du défi à relever pour les prochaines années, Investissement Québec a créé un nouveau poste pour soutenir les entreprises dans cet important virage. Mia Homsy occupe ce poste à titre de vice-présidente main-d’œuvre et intelligence économique depuis septembre 2022.

« Déjà avant la pandémie, on sentait énormément de pression pour trouver la main-d’œuvre nécessaire parce que nous avions un marché du travail extrêmement vigoureux. Cette pression s’est poursuivie et même accentuée après la pandémie. Il y a deux éléments qui expliquent la pénurie de main-d’œuvre. Il y a d’abord les besoins de l’industrie et ensuite l’offre de travailleurs. La population est vieillissante au Québec. Il y a un grand nombre de travailleurs de 55 à 64 ans qui se dirigent vers la retraite et beaucoup moins de jeunes qui intègrent le marché du travail », indique Mme Homsy.

La vice-présidente main-d’œuvre et intelligence économique chez Investissement Québec, Mia Homsy. (Photo courtoisie)

Automatisation, robotisation, formation et optimisation

Pour être compétitives, les entreprises manufacturières, dont celles de l’industrie de l’aluminium, devront se tourner vers l’automatisation, la robotisation et l’optimisation. « Souvent, les entreprises pensent que ce qu’elles font, c’est optimal, mais il faut vraiment regarder comment ça se passe sur le terrain, c’est-à-dire concrètement dans l’usine », explique Mme Homsy.

Gestion des ressources humaines

La vice-présidente souligne que ces changements doivent être accompagnés d’une bonne gestion des ressources humaines et de la formation. « Il faut impliquer les travailleurs dans le processus, et ce, à partir du début, ne pas les mettre devant le fait accompli. Il faut s’assurer qu’ils ont la bonne formation à mesure qu’on fait évoluer leurs tâches. Le recours aux travailleurs étrangers peut être complémentaire et nécessaire, mais il importe de commencer par l’automatisation parce que c’est ce qui fait que les entreprises vont réussir à franchir le défi de façon pérenne et à rester compétitives pour la prochaine décennie. »

Trois grandes transformations en même temps

Le marché du travail doit composer avec trois grandes transformations en même temps : le vieillissement de la population, l’automatisation et la transformation numérique ainsi que les changements climatiques. « Elles sont simultanées. Il ne faut pas les regarder en silo mais en même temps. Quand on va penser à l’automatisation, il faut penser que ça se fait dans un monde qui se dirige vers la carboneutralité. Il est donc essentiel de choisir la bonne technologie pour optimiser les processus, avoir besoin de moins de travailleurs, mais aussi être conformes aux règles qui s’en viennent en termes de carboneutralité. Tout cela va entraîner des besoins de nouvelles compétences chez les travailleurs qui, eux, vont avoir besoin de formation. Il faut que ça entre dans la culture de l’entreprise de former son monde et de s’assurer que les connaissances des travailleurs soient à jour », souligne la vice-présidente.

La technologie évolue tellement vite qu’il faut arrêter de penser que les maisons d’enseignement vont nous fournir une main-d’œuvre prête à 100 %. « L’entreprise doit s’impliquer dans le développement des compétences de ses travailleurs pour ne pas être dépassée par les autres. »

En dernier lieu, une fois que les entreprises ont fait le tour de façon exhaustive des solutions pour augmenter leur productivité et qu’elles se sont penchées sur la question de la formation et de la requalification de la main-d’œuvre, il peut être pertinent de se tourner vers l’immigration et les travailleurs étrangers pour pallier le plus grand nombre de départs à la retraite que la venue de remplaçants.

Investissement Québec veut être un trait d’union entre les différents programmes qui existent. « L’idée, c’est de travailler tous ensemble pour simplifier le plus possible la vie aux entreprises. Il y a beaucoup de soutien qui existe et mon rôle est de l’amener vers les entreprises et de s’assurer de faire le bon diagnostic initial pour être plus efficace face aux enjeux de la main-d’œuvre. À la base, ça prend une volonté de faire les choses un peu différemment », signale Mme Homsy.

8 000 emplois en première transformation de l’aluminium

L’industrie de l’aluminium occupe une place très importante dans le secteur de la métallurgie au Québec avec 42 % de la production métallurgique; ses besoins en main-d’œuvre sont très grands avec 8 000 emplois uniquement pour la première transformation. C’est le plus gros employeur dans le domaine de la métallurgie.

La pénurie de travailleurs oblige les entreprises du secteur de l’aluminium à mettre rapidement en place des solutions pour composer avec une main-d’œuvre moins nombreuse. « La chose la plus importante, c’est que les entreprises se rendent attractives, et ça ne touche pas seulement le salaire. Il faut rendre les postes alléchants et intéressants pour les travailleurs », indique Mme Marie-France Charbonneau, directrice générale du comité sectoriel de main-d’œuvre de la métallurgie du Québec (CSMO).

La directrice générale du comité sectoriel de main-d’œuvre de la métallurgie du Québec (CSMO), Marie-France Charbonneau. (Photo courtoisie)

La DG précise que 63 % des emplois dans l’industrie de l’aluminium sont liés à la production et 13 %, à l’entretien et à la maintenance. « Les métiers rattachés à l’entretien sont les plus à pression à l’heure actuelle avec la pénurie de main-d’œuvre et, en même temps, plus de 50 % des entreprises estiment qu’elles vont avoir des besoins de croissance en termes de main-d’œuvre dans ces catégories d’emplois pour les prochaines années. C’est dans les métiers d’entretien que l’on retrouve le plus de départs à la retraite anticipés. On estime que 9 % de la main-d’œuvre dans ce secteur va quitter son emploi dans les trois prochaines années. »

Le virage technologique, qui s’accentue, vient mettre encore plus de pression sur le secteur de l’entretien. « Ça va prendre davantage d’électromécaniciens et de techniciens en génie électrique. Dès maintenant, on doit penser à la formation de ces gens-là et à leur attraction parce qu’on va avoir beaucoup de besoins », lance Mme Charbonneau.

Formation spécifique

Le CSMO a mis sur pied une formation spécifique, en collaboration avec les cégeps de Jonquière et de Valleyfield, soit une attestation d’études collégiales adaptée au secteur de la métallurgie en électrotechnique. « Pour être attractif, il faut que l’on se concerte dans le secteur de l’aluminium afin de pouvoir attirer les gens vers ces métiers-là; dans le contexte où on veut numériser ou automatiser nos opérations, ça va nous prendre des gens pour opérer cette technologie. Plus on va aller chercher des automates, plus on va avoir besoin d’électrotechniciens et de techniciens en génie électrique », précise la directrice générale.

Les gens cherchent à avoir de la stabilité et de bonnes conditions de travail, et ça va au-delà du salaire. Il y a quelques mois, on a lancé une campagne pour susciter l’intérêt de la main-d’œuvre, la campagne « Pas de métal, pas de… », on va accélérer la diffusion de nos messages. Ce qu’on souhaite, c’est que les entreprises participent à cette campagne, qui permet à l’ensemble du secteur de l’aluminium d’être vu et d’être connu », indique-t-elle.

Attirer des clientèles sous-représentées

Madame Charbonneau souligne qu’une façon de contrer la pénurie de travailleurs, c’est d’intéresser des clientèles sous-représentées dans l’industrie métallurgique, notamment les femmes. « On a mis en place avec des partenaires une formation pour que les femmes puissent devenir des opératrices d’équipements de production. À l’issue de leur formation, elles vont pouvoir faire un stage à l’Aluminerie de Bécancour. Elles auront ainsi un avantage pour occuper les postes à combler. Nous pensons que la réussite passe beaucoup par la formation parce que c’est une façon d’attirer des clientèles non traditionnelles dans notre industrie. »

Actuellement, le portait moyen d’un travailleur en métallurgie, c’est un homme de 45 à 52 ans. « Il faut penser à diversifier les clientèles de main-d’œuvre. En 2017, les femmes ne constituaient que 10 % de la main-d’œuvre dans l’industrie de l’aluminium et elles occupaient majoritairement des postes en administration; alors qu’en 2022, c’est seulement 8,5 % de femmes. On recule. Il va falloir réfléchir et définir des stratégies concertées afin d’attirer des femmes, des autochtones ou des gens issus de la diversité », souligne Mme Charbonneau.

La directrice générale signale que les autochtones représentent seulement 0,31 % des employés en métallurgie au Québec. « Il y a là un potentiel pour aller chercher de la main-d’œuvre intéressante, la former et s’assurer que cette main-d’œuvre va se fidéliser. »