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par Viviane Bisson

Le métallier d’art, Jérôme Lapointe, consacre sa carrière à fabriquer des sculptures uniques pour plusieurs artistes des régions du Québec. « L’artiste, il conçoit l’œuvre, c’est lui le créateur. Moi, je suis le fabricant. »

C’est en 2006 que Jérôme Lapointe lance son propre atelier, F.O.L. Art public Inc. Au départ, il était positionné dans un local loué à Québec, mais depuis maintenant deux ans, l’artiste a installé son atelier dans un bâtiment dont il est le propriétaire, à Saint-Anselme.

Avant de se lancer dans la sculpture, l’artiste était peintre. « Je suis un artiste en art visuel à la base, j’ai fait tout le parcours universitaire et dix ans de peinture. » C’est pour donner suite à un projet personnel, qui l’a mené à suivre des cours de forge, que son amour pour l’art de la sculpture a fleuri. Plusieurs petits projets, à la fois personnels et professionnels, lui ont permis de se créer une clientèle.

Le métallier d’art travaillait d’abord l’acier, puis il a fait la transition vers l’aluminium. « L’aluminium est toujours le matériau de prédilection pour la sculpture. C’est un matériau malléable, léger, qui corrode peu et qui est versatile. C’est difficile de battre l’aluminium », souligne l’artiste. Les nombreuses années d’expérience de Jérôme lui ont permis d’acquérir des atouts importants pour manipuler ce matériau.

Sunshape, oeuvre de Nate Nettleton, 2023

Sunshape, oeuvre de Nate Nettleton, 2023

« Toute ma production ici, c’est artisanal », explique Jérôme. C’est ce qui fait la beauté de son travail. Évidemment, l’homme ne peut pas travailler complètement seul. « Je travaille beaucoup en sous-traitance avec d’autres industries, ça me permet d’être productif. J’ai des collaborateurs avec qui je travaille depuis longtemps », admet-il. Par exemple, les sous-traitants peuvent s’occuper de la découpe numérique ou encore de la peinture dans certains cas. Les produits seront finalisés par une production industrielle, mais la manière de travailler de Jérôme reste quant à elle artisanale. Il n’utilise pas de machine spécialisée.

La politique du 1 %

« J’ai environ une dizaine d’artistes avec qui je travaille. Ce sont tous des artistes qui vont faire des projets pour le 1 % ou des projets pour des villes », explique Jérôme Lapointe. En effet, le gouvernement du Québec oblige l’intégration d’une œuvre d’art dans toutes les constructions ou rénovations de bâtiments gouvernementaux, comme les écoles publiques ou les hôpitaux. Ceci représente environ 1 % des coûts du projet qui doivent être dédiés à la création de l’œuvre d’art, d’où l’appellation de « politique du 1 % ». Cette mesure sert à soutenir la création d’arts visuels et les métiers d’art dans la province de Québec.

Pour Jérôme, ce type d’œuvres est toujours agréable à concevoir. L’un des plaisirs qu’il retire de pratiquer son métier de sculpteur est d’ailleurs de découvrir la vision de l’artiste et de pouvoir l’aider à réaliser celle-ci. En revanche, les projets tirés de la politique du 1 % ne sont pas tous menés à terme. Les différents projets sont d’abord présentés à un jury, lors d’un concours, avant d’être approuvés. C’est donc qu’avant même d’être assuré de faire l’œuvre, Jérôme Lapointe doit passer beaucoup de temps sur le projet. La plupart du temps, le sculpteur doit créer un échantillon de l’œuvre (produire une petite partie de l’œuvre, soit en format miniature ou format réel), une maquette et des dessins. « Disons que pour faire 6 ou 8 œuvres dans l’année, je dois en voir passer trois fois cette quantité-là. Alors souvent je fais des échantillons et des maquettes pour des concours, mais l’œuvre ne va pas se faire. »

Tourbillon, oeuvre de Luce Pelletier

Tourbillon, oeuvre de Luce Pelletier

À travers le Québec

Les artistes qui pratiquent le même métier que Jérôme sont majoritairement rassemblés près de la ville de Québec et dans la ville de Montréal. Même si le métallier d’art souhaiterait recruter un apprenti, force est de constater que les jeunes soudeurs ne se bousculent pas aux portes de l’atelier. « Un soudeur qui sort de l’école, il a tellement de demandes d’emploi, il a un travail directement en sortant. Il va se retrouver dans un emploi avec tous les avantages sociaux qu’on n’a pas dans mon métier », ajoute Jérôme Lapointe.

Malgré tout, ce phénomène de rareté crée une certaine stabilité pour les fabricants de sculptures. « On n’est pas en compétition directe avec les autres fabricants, chacun a sa clientèle. Par exemple, moi je me maintiens dans une catégorie de projets de moyenne et petite envergure », témoigne Jérôme. Considérant que ce n’est pas un métier très courant et que les sculpteurs ont chacun leur bassin de clients, Jérôme Lapointe est appelé à travailler à la grandeur de la province. « Je travaille partout au Québec, je vais installer des projets à Montréal, Gatineau, Gaspé, un peu partout. » Au fil des années, il a développé sa clientèle, de sorte que certains artistes collaborent avec lui depuis maintenant dix ans.

Un pas vers l’avenir

L’année 2023 de Jérôme Lapointe est déjà bien amorcée. Plusieurs œuvres sont à rendre cet été, vers les mois de juin et juillet. Pour l’artiste, l’été est la saison la plus occupée de l’année. « C’est la première année [que c’est le cas], mais mon année 2023 a été remplie en automne 2022 […] ça s’enligne pour être comme ça dans les prochaines années », souligne Jérôme Lapointe. Sans parler des concours qui commencent à être annoncés. Pour le moment, les artistes qui font appel à lui sont déjà sur neuf concours pour l’année 2024.

« Moi, j’aimerais atteindre une catégorie de projets de 200 000 et 300 000 dollars. Je suis capable d’aller là. Les concours sont plus rares, plus difficiles à gagner. C’est une catégorie plus pointue », lance le métallier d’art. Divers projets attendent l’artiste et plusieurs œuvres seront terminées et installées au cours de l’année.